La Russie vient d'opérer un revirement spectaculaire. Intimidation ou simple coup de bluff? «L'Opep du gaz?» Une idée intéressante selon le président russe Vladimir Poutine. «L'Opep du gaz est une idée intéressante. Nous allons y réfléchir», a déclaré sans sourciller l'homme fort du Kremlin lors de sa conférence de presse annuelle. Une déclaration qui prend le contre-pied des démentis récurrents en provenance des capitales algérienne et russe. Le rapprochement entre Alger et Moscou dans le domaine de la coopération énergétique, du gaz principalement, a suscité les inquiétudes de leurs principaux clients européens, échaudés par les crises successives entre la Russie, l'Ukraine, la Géorgie et, tout récemment, le Bélarus. A Bruxelles, l'on craint comme la peste que les accords russo-algériens ne puissent faire flamber les prix du gaz naturel en Europe. La crainte de la création d'un «cartel du gaz» à l'occasion de la visite à Alger du ministre russe de l'Industrie et de l'Energie, Victor Khristenko, a suscité une vive réaction du commissaire européen à l'Energie, Andris Pielbags qui a mis en garde contre l'émergence d'un «cartel du gaz» les différentes parties concernées. Il a été demandé à Alger et Moscou de s'expliquer sur leurs «intentions» et les conséquences qui en découleraient pour la consommation européenne. Quelle mouche a donc piqué le président russe à vouloir ainsi jeter de l'huile sur le feu? Et même le guide suprême iranien, l'Ayatollah Ali Khamenei, s'est mis de la partie. Il suggère «une organisation similaire à l'Opep pour s'occuper de la coopération dans le secteur du gaz», après s'être entretenu avec le secrétaire du conseil russe de Sécurité Igor Ivanov. L'irruption de l'Iran dans la polémique soulevée par une éventuelle émergence d'un «cartel du gaz», ne fera qu'attiser les craintes européennes et il ne fait nul doute que les Etats-Unis d'Amérique le voient déjà d'un mauvais oeil tout en prenant cette «menace» très au sérieux. La Russie détient près de 30% des réserves connues du gaz et demeure de très loin, le premier producteur mondial avec 656 milliards de m3 extraits durant l'année 2005. L'Iran est le second détenteur des réserves mondiales après la Russie, mais vu les sanctions américaines, il a du mal à donner une impulsion à ses exportations. La Russie qui jusque-là a rejeté toute idée de création d'un «cartel du gaz» à l'image de l'Opep, vient d'opérer un revirement spectaculaire. Intimidation ou simple coup de bluff? Les Européens et les Américains apprécieront. De toutes les façons, Moscou avance ses pions de manière réfléchie et organisée et confirme le retour en force de la Russie sur la scène géopolitique en faisant de la reprise en main de son secteur des hydrocarbures, l'élément incontournable de sa stratégie. L'Europe conçoit, de son côté, ses accords énergétiques avec l'Algérie comme un moyen de contrebalancer le poids de la Russie et de son énigmatique président dans le secteur du gaz. L'Algérie à défaut d'être entre le marteau et l'enclume, se retrouve peut-être comme un poisson dans...l'eau.