Pour la première fois, la petite ville de Touggourt découvre la psychose des enlèvements d'enfants. Lundi dernier, vers 14h, le petit Youcef, âgé de 7 ans, fils d'un industriel connu dans la région, jouait à proximité de la maison, située au centre-ville, à quelques centaines de mètres du commissariat, lorsque deux individus encagoulés le prennent de force et l'embarquent à bord d'un véhicule. Les cris de l'enfant terrorisé sont vite étouffés par un bout de tissu plaqué sur sa bouche. Quelques minutes plus tard, la famille découvre sa disparition et tout de suite c'est tout le quartier qui est mis en alerte. Les services de sécurité déclenchent les recherches. Les ratissages mènent tout droit vers une palmeraie abandonnée, située à la sortie de la ville, où la voiture des ravisseurs a été découverte, bien dissimulée entre les palmiers et dont les traces ont été effacées. Le soulagement est total. Le petit Youcef venait d'être retrouvé, à l'arrière du véhicule, les mains ligotées. Il était 19h passées. Les premiers éléments de l'enquête font ressortir que les auteurs sont d'anciens employés du père de l'otage et parmi eux même un membre de sa famille. Deux personnes sont donc arrêtées le lendemain (mardi dernier) et présentées hier au parquet. Présumées être les auteurs directs, elles ont été placées sous mandat de dépôt pour « association de malfaiteurs, enlèvement et séquestration d'un mineur ». Quatre autres personnes ont, quant à elles, été citées comme témoins dans le dossier. L'affaire fait l'effet d'une bombe. Les ravisseurs semblaient avoir bien préparé leur coup, puisqu'ils avaient attendu le jour où le père de l'enfant serait en voyage d'affaires pour passer à l'action, qui avait pour but évident de lui extorquer de grosses sommes d'argent. Les habitants de Touggourt n'arrivent pas à croire que leurs enfants sont, tout autant que ceux qui vivent dans les grandes villes, sujets à des enlèvements. La vigilance est devenue une nécessité pressante à partir du moment où leurs enfants risquent de rencontrer, sur leur trajet de l'école, dans la cage d'escalier ou dans la rue, des personnes aux intentions malsaines. Si certaines familles retrouvent avec joie leurs mômes après de durs moments d'angoisse et de douleur, d'autres malheureusement affrontent la fin tragique de leur enfant. Des statistiques alarmantes Les statistiques des services de sécurité, relatives au kidnapping d'enfants, reflètent réellement l'alarmante expansion d'un phénomène qui hante aujourd'hui la population algérienne. Chaque année, police et gendarmerie tirent la sonnette d'alarme et lancent des signaux d'alerte à travers les affaires, toujours en hausse, portant violences à l'égard des enfants, notamment les enlèvements suivis d'abus sexuel puis de meurtre. En 2007, 146 cas d'enlèvement d'enfants ont été enregistrés par la police, contre 33 cas de mineurs enlevés sur un total de 108 recensés par la Gendarmerie nationale pour la même année. Selon la police, 25 enfants, parmi ceux enlevés durant l'année 2006, ont été retrouvés morts. Pas moins de 108 mineurs ont été victimes d'enlèvement et 312 autres victimes de viol, l'année dernière en Algérie, a indiqué hier la direction générale de la Gendarmerie nationale dans le bilan de 2007. Les victimes d'enlèvement sont en majorité de sexe féminin avec 75 cas, sachant que le total des cas d'enlèvement a diminué par rapport à l'année 2006 où l'on recense l'enlèvement de 144 mineurs, selon la même source. L'année 2007 a enregistré 312 cas de viol de mineurs, un nombre en hausse par rapport à l'année 2006 où 229 cas de viol de mineurs ont été enregistrés, alors que les tentatives de viol contre mineurs sont de 383 cas, contre 388 en 2006. Dans ce contexte, les services de la Gendarmerie nationale ont précisé que quelque 190 homicides volontaires contre mineurs ainsi que 32 cas d'inceste ont été enregistrés durant la même période, outre 13 affaires de prostitution de mineurs et 4899 autres pour coups et blessures volontaires. Une évolution inquiétante qui appelle à des mesures fortes pour la protection des mineurs en Algérie. Pour leur part, les services de la gendarmerie ont fait état de 146 cas de kidnapping dont la majorité a eu pour motif l'abus sexuel. L'appétit pervers des pédophiles est à l'origine de ces rapts d'enfants et les histoires tragiques et émouvantes des petits Yacine, Anis, Yacer, Abdenour et tant d'autres sont là pour raconter l'horreur que leurs bourreaux leur ont fait subir. Et au moment où tout le monde focalise sur les pédophiles, un autre phénomène tout aussi crapuleux, à savoir les enlèvements suivis de rançon, prend de l'ampleur et s'implante, y compris dans les régions rurales. Dans ces cas, les auteurs se comptent dans la majorité des cas dans l'environnement immédiat de la victime et le fameux conseil : « Il ne faut pas parler aux étrangers » s'avère inutile. Mis en confiance par un de ses proches qu'il reconnaît parmi les ravisseurs, l'enfant est facilement entraîné par ces derniers. Devant un tel constat la question qui revient à chaque fois est : « Comment les auteurs ont-ils pu avoir le temps pour aller jusqu'au bout de leur acte ignoble ? » Dans ces cas-là, les premiers moments qui suivent le rapt deviennent primordiaux pour l'enquête. Or, dans notre pays, il faut attendre 48 heures, le temps que l'auteur puisse faire disparaître les traces, pour déposer plainte. Est-ce normal ? Aujourd'hui, à l'occasion de la Journée mondiale de l'enfance, les regards vont être fixés sur la situation de nos enfants. Et celle-ci n'est pas du tout reluisante. En plus de la menace d'être privés de l'école et d'une bonne santé, à cause de la misère, les enfants sont aujourd'hui des proies faciles pour les pervers sexuels et les délinquants en tout genre. Si l'Etat est responsable de la sécurité de nos enfants, les familles ont le devoir d'être vigilantes à leur égard. La place d'un enfant n'est pas dans la rue, mais dans un foyer.