La venue de Fellag à Montpellier, pour son nouveau spectacle, était annoncée depuis plusieurs mois. Et c'est au théâtre municipal Jean Vilar que deux représentations exceptionnelles ont eu lieu au cours de cette semaine, avec à la clé, un public nombreux et ravi d'avoir eu le privilège de décrocher le sésame pour se régaler pendant une heure et demie. Dans cette nouvelle création, intitulée Tous les Algériens sont des mécaniciens, Fellag partage la scène avec l'actrice Marianne Epin, qui est aussi sa compagne. L'idée de départ de ce spectacle lui est venue du premier chapitre de son dernier roman L'allumeur des rêves berbères, où l'on découvre que tous les habitants d'une cité populaire d'Alger ont une véritable prédilection pour la mécanique. Dans ce spectacle, qui fait son petit bonhomme de chemin en province avant d'atterrir dans une grande salle parisienne, on fait la connaissance d'un couple d'Algérois, proche de la retraite, qui se nourrit et vit des anecdotes du quartier, en attendant une eau rare et miraculeuse. Salim et Chéhrazade nous introduisent avec délectation dans les mille et un quotidiens de l'Algérien qui n'arrête pas de subir les affres de la nature et de la bureaucratie. D'emblée, les deux compères nous révèlent que tous leurs amis sont partis s'installer ailleurs, mais eux ont l'Algérie chevillée au corps ; histoire d'aller à contre-courant des clichés en vogue. Salim et Chéhrazade, au bout d'un moment, nous font comprendre que les anecdotes des gens du quartier sont pour eux une manière de rester en vie et de ne pas désespérer d'une situation difficile à tous les niveaux. L'irruption des Chinois dans l'univers des Algérois apporte une nouvelle substance humoristique faite sur la base du rythme de travail et de la performance des uns et des autres, ce qui fait dire à Salim : « Quand ils seront à l'année du cochon, nous on prendra l'année sabbatique ». Et comme les Algérois sont connus pour leur sens de l'humour corrosif, ils ont même fait ressusciter Jésus. Il aurait été vu du côté de la rue Larbi Ben M'hidi, allusion aux débats sur l'évangélisation qui ont touché l'Algérie. Ainsi, beaucoup de quidams sont venus le voir pour lui demander de faire des miracles, sauf un fonctionnaire qui était en arrêt de travail et qui ne voulait pas guérir pour reprendre son travail et profiter d'un repos quasi-éternel. Les autres personnages, qui font des incursions dans le spectacle, sont identifiés par rapport aux marques de voiture qu'ils possèdent. L'identité devient dans la trame de la pièce une identité mécanique, gommant les patronymes et l'appartenance au clan. Dans ce nouveau spectacle, on sent quand même une certaine fébrilité dans le jeu de Fellag, car il avait l'habitude de porter tout seul ses spectacles. Mais là, il prend quelques risques en introduisant un deuxième personnage qui, peut-être, n'a pas la même envergure que lui.