L'ancien chef de la diplomatie algérienne Lakhdar Brahimi a pris samedi dernier à contre-pied de nombreux pays engagés dans la guerre en Afghanistan. Celui qui fut le grand ordonnateur des accords de Bonn qui avaient permis de tourner la page du régime des talibans, conclus peu de temps après l'invasion américaine en novembre 2001, mais aussi connaisseur des arcanes de l'ONU pour avoir été en charge de nombreux dossiers chauds, sait de quoi il parle même si cela va à contre-sens des plans américains de poursuivre la guerre dans ce pays où les talibans reprennent plus ou moins du terrain. On se rappelle que le secrétaire américain à la Défense a demandé l'envoi de renforts. C'est dans ce contexte qu'intervient la sortie de celui qui fut aussi secrétaire général adjoint de l'ONU et représentant spécial, entre autres pour l'Afghanistan et l'Irak. Pour Lakhdar Brahimi, seule une solution politique peut permettre le règlement de la situation en Afghanistan. « C'est une solution fondée sur une réconciliation nationale, sur une main tendue, sur un marchandage politique entre toutes les parties disposées à participer à ce marchandage. Même le Secrétaire général de l'OTAN ne prend jamais la parole sans dire qu'il n'y a pas de solution militaire », a expliqué M. Brahimi, dans un entretien diffusé samedi dernier par la chaîne de télévision française. C'est aussi le point de vue du président afghan Hamid Karzai partisan de négociations que l'on dit déjà engagées par l'intermédiaire de l'Arabie Saoudite et sur son territoire. Le diplomate a souligné la nécessité de « tendre la main aux talibans », comme le préconise justement le chef de l'Etat afghan Hamid Kerzai, et contre l'avis des Américains. « Je crois que nous avons tous fait une erreur considérable après les Accords de Bonn, car c'est là que nous aurions dû tendre la main aux talibans, au moment où ils étaient démoralisés. Ils avaient été dispersés à travers le pays. C'est là qu'il aurait fallu leur tendre la main. Malheureusement, nous ne l'avons pas fait », a-t-il indiqué, précisant que « maintenant, les talibans sont beaucoup plus forts qu'ils ne l'étaient à l'époque. Ils considèrent qu'ils peuvent gagner cette guerre et ce sera donc très difficile de leur parler ». Lakhdar Brahimi a plaidé pour une « solution afghane du problème ». « Nous sommes en Afghanistan en 2008 et la solution qu'il faut trouver est celle qui convient aux Afghans de 2008. La solution n'est pas à trouver à Paris, à Washington, à Londres ou n'importe où ailleurs. Il faut regarder la société afghane et voir ce qu'elle veut et ce qu'elle peut faire », a-t-il indiqué. Concernant la situation en Irak, l'ex-représentant spécial du SG de l'ONU a indiqué qu'il partageait le jugement de la très grande majorité des Américains, « jugement extrêmement sévère sur ce qu'il s'est passé en Irak. On a détruit un pays pour absolument rien, apparemment ». Pour lui, « la politique américaine a été jusqu'à présent un échec total. Les Irakiens et beaucoup de personnes, y compris des Américains, disent qu'il y a eu un million de morts ». Le changement opéré dans l'Exécutif américain, après l'élection du démocrate Barack Obama, le 4 novembre dernier, semble porteur de changements dans la politique étrangère américaine. « Il y a des signes qui justifient un optimisme relatif, très mesuré. Obama a été un des premiers à dire que faire la guerre était une erreur et il n'a pas cessé de dire que la politique américaine n'a pas été comme elle aurait dû l'être en Irak, ni avant, ni pendant, ni après la guerre », a déclaré M. Brahimi. Sur ce sujet précis uniquement, M. Obama qui prendra ses fonctions le 20 janvier prochain a déjà dit ce qu'il pense et ce qu'il fera, étant partisan du retrait des troupes US d'Irak, un processus au demeurant que négocie déjà l'administration sortante. Et dans ce cas de figure, c'est pour renforcer la guerre en Afghanistan, espérant ainsi une victoire devenue de plus en plus improbable.