La capitale économique de la dixième puissance mondiale s'est réveillée, en ce samedi, un peu plus soulagée par les déclarations des chefs de l'état-major de l'armée indienne, qui ont annoncé aux habitants que « Bombay a été libérée ». New Delhi (Inde). De notre envoyée spéciale Les membres du dernier groupe d'islamistes armés, qui s'étaient retranchés dans l'hôtel Taj Mahal, venaient d'être abattus. Trois jours d'état de siège, plus précisément 59 heures qui ont fait retenir leur souffle à plusieurs capitales occidentales, préoccupées par le nombre de leurs concitoyens retenus otages dans les deux hôtels de luxe de la ville, le Oberoi-Trident et le Taj Mahal, symboles de la prospérité de Bombay. Le soulagement éprouvé après la prise du dernier bastion des terroristes a vite laissé place à l'horreur face au grand nombre de cadavres découverts dans plusieurs chambres de l'hôtel Taj Mahal, mais aussi dans celui de l'Oberoi, évacué hier. Parmi eux, celui d'une journaliste indienne, Sabina Sangkal Saika, critique gastronomique. Le bilan total de ces attaques, communiqué hier par le ministère de l'Intérieur indien faisant état de 195 victimes, sera sans aucun doute tristement revu à la hausse. Mais la fin de cette tuerie ne fait que susciter moult interrogations dans l'esprit des Indiens, en général et des habitants de Bombay, en particulier. Stupeur face à la facilité avec laquelle le groupe d'extrémistes a pu perpétrer une dizaine d'attaques armées contre des hôtels de luxe, la gare centrale et un hôpital de Bombay. Pour leur part, les autorités de New Delhi n'ont jamais vu leur autorité autant mise à mal. Il faut dire qu'après les premiers instants de stupeur, ensuite d'horreur, les Indiens ont commencé à se poser des questions sur les raisons et les circonstances de cette série d'attaques qui avaient ciblé des hôtels de touristes, la gare de Bombay et un hôpital. Le gouvernement de New Delhi se trouve, à présent, face à une grave crise politique. Craignant la montée de l'intolérance envers les musulmans, pourchassés par les hindous et les sikhs, l'exécutif de Manhoman Singh, de la majorité guidée par le parti historique du Congrès (fondé par Jawahrlal Nehru), se voit contraint, d'une part, de maintenir un délicat équilibre entre la fermeté démontrée envers le terrorisme islamiste et le pays qu'il accuse d'être le sponsor de ce dernier, le Pakistan, et d'autre part, se montrer à l'écoute des hindous sans le vote de qui il ne pourrait se maintenir au pouvoir. Musulmans indiens, citoyens de seconde catégorie Il reste indéniable que les Indiens sont en droit de se demander pourquoi les assaillants ont pu agir avec assurance et facilité ? Partis de la très peuplée ville pakistanaise de Karachi, le groupe qu'on dit proche de l'organisation extrémiste pakistanaise Laskar-Toiba, qui soutient les rebelles du territoire Cachemir (territoire revendiqué par l'Inde et le Pakistan), a rejoint le littoral de Bombay à bord d'un chalutier (la première étape fut la navigation sur un navire marchand). La police indienne a également révélé, hier, que les terroristes avaient déposé une importante quantité d'explosifs et des armes dans l'enceinte de l'hôtel Taj Mahal. Les accusations portées contre le voisin pakistanais continuent de fuser de la bouche des responsables indiens. Et Islamabad, après avoir accepté dans un premier temps de dépêcher, sur la demande indienne, un responsable de ses services secrets à New Delhi pour collaborer à l'enquête, a fait, hier soir, une volte-face spectaculaire, décidant d'envoyer un simple fonctionnaire de sa diplomatie. Mais le gouvernement indien de Manhoman Singh doit aussi veiller à la cohésion de la société multiconfessionnelle, car la voix des extrémistes hindous commence à monter, pointant un doigt accusateur contre la minorité musulmane vivant en Inde. Cette communauté se sent persécutée, puisque ses membres sont considérés comme des citoyens de seconde classe. Pis, les extrémistes indiens commettent souvent des massacres qui restent presque toujours impunis contre leurs concitoyens musulmans. En 2002, entre 800 et 2000 habitants musulmans de l'Etat du Goujarat (ouest de l'Inde, aux confins avec le Pakistan) ont été massacrés par des extrémistes hindous. La police locale avait laissé faire et le gouvernement central du Goujarat, dirigé par Narendra Modi, avait été directement mis en cause par la Commission nationale des droits de l'homme. Récemment, le chef d'un monastère hindou avait été arrêté, car accusé d'avoir des liens avec l'attentat perpétré, le 29 septembre 2008, dans un marché proche de la mosquée de Malegaon, à 280 km, au nord de Bombay, causant la mort de 6 personnes et blessant 82 autres. « L'un des exécutants de la série d'attaques qui a frappé, mercredi, Bombay, a révélé à une télévision indienne qui l'a interviewé, que la principale revendication de son groupe consistait à exiger de mettre fin à la ‘'persécution pratiquée contre les musulmans indiens'' ».