Les lumières de Manhattan scintillent. Une noria de limousines glisse entre les gratte-ciel. Posté au coin d'une rue de New York, un jeune homme, visiblement loin de son pays natal, se voit remettre solennellement une carte verte, l'objet tant rêvé par tous les immigrants. Le Caire (Egypte) De notre envoyé spécial C'est sûrement un ami qui l'aide ainsi, en tout cas un compatriote. Il le remercie d'un magistral « saha kho ! » et il embrasse la carte avec la même joie non dissimulée du harrag qui aborde sur les rives d'Espagne. Le mystère se dissipe. Ces deux-là sont des Algériens. Alors que refleurit la mode des voyages sans retour (en barque rafistolée ou en jumbo-jet), les Algériens ont déjà conquis New York. Il y a quelques années déjà, on a connu un homme au sud qui marchait en tenant son chameau par la bride. On l'a retrouvé un jour pédalant sur son vélo du côté de Times Square... Bref, dans le récit qui se passe à grande vitesse de Men's Affair, film présenté au Caire, écrit et réalisé par Amine Kaïs et produit par Safia Djennane, on est en pleine jungle de New York. Ni mendiants, ni éclopés comme les milliers d'Américains qui dorment sur les trottoirs. Les Algériens new-yorkais ont fait leur chemin. Ils ont fui le pays et croient déjà aux vertus de l'impérialisme. L'un déambule, la crosse de son pistolet en l'air, c'est un détective et bosse au FBI. L'autre, frétillant millionnaire dans la Bourse de Wall Street, comme tous les affairistes vautours, laisse croire qu'il achète et revend des diamants... Tout thriller est synonyme de scènes de violence. Les gros calibres dans Men's Affair font mouche à volonté... puis dans le même programme, on a revu Mascarades de Liès Salem. Dans tout film de ce réalisateur il y a une satire sociale. Lui-même se dédouble en personnage principal pour donner une interprétation personnelle de son idée de l'Algérie. Quelque chose se passe dans son cinéma qu'on en sort toujours satisfait. Le public de la salle Opéra du Caire semblait aussi épaté. Pas d'autres films arabes aussi remarquables, sauf de Palestine où dans un style sobre Rachid Masharawi montre dans Aïd Milad Laïla (anniversaire de Laila) la mécanique bureaucratique et le chaos ambiant dans son pays. Ce frêle Etat, agressé de toutes parts, sur terre et dans le ciel, a aussi ses incompétents et ses corrompus.