La Tunisie, l'Egypte, le Maroc, Amman et le Koweït ont pris contact avec la Bourse de New York. Curieusement ce n'est pas le cas de la Bourse d'Alger. S'il y a aux Etats-Unis une ville de légende c'est bien New York, une ville hors du commun par son gigantisme. C'est plus qu'une ville, c'est une expérience. New York c'est avant tout Manhattan, le front de ses buildings, la skyline des gratte-ciel se détachant sur les eaux de l'Hudson River. Capitale du monde, de la finance, ville de tous les rêves, de toutes les passions, de toutes les aventures. Wall Street, le quartier des affaires à New York. Pour suivre l'itinéraire fléché sur les trottoirs, il est difficile d'avoir l'oeil rivé au sol. Le regard se perd souvent pour contempler les gratte-ciel qui forment un magnifique musée à ciel ouvert. Ils illustrent l'évolution des styles architecturaux. Le patrimoine architectural de New York est riche en contrastes. Il témoigne de presque quatre siècles d'une histoire qui a vu naître la ville la plus puissante de la planète ainsi que de la faculté d'adaptation d'une population qui croque la vie. Très haute surveillance Wall Street vacille, et le monde tremble. Etroitement surveillé, le New York Stock Exchange (la Bourse de New York) fait face à la corpulence du premier président américain, George Washington, immortalisé dans une imposante statue. Des milliers de visiteurs défilent chaque jour devant le siège de la Bourse qu'ils immortalisent par leur flashs. Il faut un accompagnateur «de la maison» pour visiter le siège sous haute surveillance policière. «Cet immeuble est le premier objectif visé par l'organisation Al Qaîda», note Margarett Tutwiler, ex-ambassadrice des Etats-Unis au Maroc et actuellement responsable au niveau de la Bourse. Des centaines d'ordinateurs, des milliers de personnes vont dans tous les sens sur un parterre jonché de papiers. La salle est immense. La température est fraîche. Les photos et les cigarettes n'ont pas le droit de cité. C'est la Bourse de New York. 1,5 milliard d'opérations s'effectuent quotidiennement où plus de 85 millions d'Américains sont actionnaires. «C'est ici que se fait la vente et l'achat des actions» indique le guide à la dizaine de journalistes venus du Moyen-Orient et du Maghreb visiter cet empire de la finance mondiale. Une anarchie totale semble y régner mais les apparences sont trompeuses. Dans le fond chacun connaît exactement son travail et personne ne chevauche la tâche de l'autre. Plus de 60.000 travailleurs activent chaque jour pour faire fonctionner cette institution aux ramifications planétaires. Mais ce ne sont pas les employés qui impriment cette impression d'anarchie à la Bourse. Ce sont les vendeurs et les revendeurs d'actions qui peuplent la grande salle. Ce qu'on appelle communément à Alger «les Samsaria». Face aux centaines d'écrans, ils ont accès à toutes les informations du marché financier. «Il reçoivent des demandes d'achat ou de vente dans tous les coins de la planète puis ils prennent des commissions» explique le guide. A ce stade de désordre particulier, il n'y a que les sciences exactes qui peuvent expliquer le phénomène et comprendre cette image paradoxale, complexe et mouvante. En effet, en thermodynamique, existe un principe qui s'appelle l'entropie. C'est une fonction d'état qui sert à mesurer le degré de désordre d'un système. Cette science nous apprend que l'ordre maximal n'est autre que la superposition d'une infinité de désordres. Et la Bourse de New York s'accorde bien à cette fonction qui décrit le désordre. Un désordre apparent mais qui cache un ordre parfait imprimant à la salle des opérations une ambiance spécifique. La Bourse de New York est l'une des plus vieilles et prestigieuses institutions des Etats-Unis. Elle existe depuis 1772 ce qui lui donne la qualité de la troisième plus vieille institution du nouveau monde après le gouvernement américain et la banque américaine. Alain Morvan secrétaire du président et responsable des relations internationales livre des chiffres effarants, astronomiques. «Non ce n'est pas de la publicité c'est des chiffres réels», rassure le responsable américain. 2800 sociétés de 46 pays différents participent à cette Bourse. Parmi ces sociétés, 465 ne sont pas de nationalité américaine. Très loin derrière l'Amérique, l'Europe regroupe 180 sociétés adhérant à la Bourse de New York qui sont d'Europe, puis vient l'Asie avec 80 entreprises et le reste des sociétés sont d'Amérique latine. Le chiffre d'affaires de toutes ces sociétés est estimé à 18 trillions de dollars. Un montant six fois plus grand que toutes les autres Bourses du monde réunies. Le Nasdaq, la Bourse de Tokyo ou celle de Londres ne dépassent pas le chiffre d'affaires de 3 trillions de dollars. Ni le Moyen-Orient encore moins le Maghreb, ne participent à ce marché financier. «Toute société affichant l'ambition de s'étendre en dehors de son territoire et aux Etats-unis peut prétendre à une adhésion à la Bourse de New York», informe le responsable américain qui cite comme exemple le Brésil. «En 1990 j'ai visité le Brésil et à l'époque aucune société ne participait à notre Bourse. Aujourd'hui,32 sociétés de ce même pays sont cotées à la Bourse de New York.» C'est ce dynamisme, cette activité...ce désordre qui manquent à la Bourse d'Alger. Aucun contact avec Alger Plusieurs procédés sont employés pour attirer des sociétés à investir. «Nous voyageons à travers le monde, cherchons et repérons les sociétés qui veulent investir en dehors de leurs pays, les informations nous sont communiquées par les banques, les bureaux spécialisés et des avocats». «Bien sûr nous allons vers les pays où la croissance économique est assez bonne et là où nous sentons la volonté de rejoindre notre marché.» Autant dire que la Bourse d'Alger tourne le dos au monde au moment où les autres Bourses tentent de s'ouvrir pour plus d'expérience et de technicité. La Tunisie, l'Egypte, le Maroc, Amman et le Koweit ont pris contact avec la Bourse de New York. Curieusement ce n'est pas le cas de la Bourse d'Alger. «Nous n'avons jamais reçu un quelconque signal de la part des responsables de la Bourse d'Alger. Ils n'ont pas pris contact avec nous. Aucun contact». Au moment même où il continue de sombrer dans un état de morosité des plus inquiétants, le marché boursier d'Alger se retrouve ainsi privé d'une expérience des plus importantes à même de le hisser dans la cour des grands. Les lenteurs administratives qui guident tous les mouvements et les opérations ont nui à cette jeune institution. Des conventions ont été retardées par conséquent à être finalisées. De ce fait, c'est la démarche portant dématérialisation des titres qui a longtemps accusé un retard préjudiciable. Le marché boursier d'Alger se retrouve ainsi privé d'un nouveau flux de titres du fait du retard accusé quant à l'entrée en activité de la société Algérie Clearing. Mise en place pour un coût global de quelque 2 millions d'euros, dont une partie provenant de bailleurs de fonds européens, selon le président de la Cosob, le dépositaire central des titres, convient-il de préciser, devait permettre de juguler les difficultés et les lenteurs qui continuent jusque-là à entraver le déroulement des opérations boursières. En définitive, la Bourse d'Alger va mal. Sa situation n'est pas des plus reluisantes. Le niveau des transactions enregistré y est tellement faible qu'il ne permet pas de couvrir les frais de fonctionnement de l'institution boursière. Selon certains titres de la presse algérienne, les employés de la Bourse d'Alger arrivent mal à percevoir leurs salaires. Pour l'ancien ministre des Finances, Abdelkrim Harchaoui, il est carrément question de fermer cette Bourse qui n'arrive pas à décoller. «La Bourse a été abandonnée par ceux censés lui créer un cadre de confiance. [...] L'idéal serait de la fermer et de préparer une autre étape de réouverture dans quatre à cinq ans», a-t-il déclaré il y a quelque temps sur les colonnes de la presse nationale. «Il est quand même paradoxal que l'on enregistre une baisse des cours de plus de 50% de la valeur nominale alors que les entreprises concernées ont des résultats positifs et une rentabilité confirmée.» L'entrée des quelques entreprises algériennes n'a pu être la planche de salut de l'institution boursière. Une Bourse qui depuis 1999, date de sa création, n'a pas su trouver son rythme de croisière. Selon les responsables de la Bourse de New York, ce désintéressement ne concerne pas uniquement l'Algérie mais également la majorité des pays arabes. Un attitude qui reflète l'état de leur politique économique et de leur politique tout court. «C'est le cas de tous les pays arabes qui n'expriment aucun désir de changement ni intérêt pour adhérer à ce marché financier géant», «mais je pense qu'avec le temps le besoin se fera sentir quand ces pays prendront conscience des avantages qu'ils vont tirer de ce marché, car la Bourse est la meilleure manière d'investir», indique encore le responsable américain, Alain Morvan.