Il ne faut pas attendre beaucoup des négociations internationales. Les pays qui n'émettent pas beaucoup, comme ceux du Maghreb, font de la figuration. Les décisions sont prises à la dernière minute, dans les coulisses, par les pays industrialisés. » Abdelaziz Yahyaoui, enseignant en changements climatiques à l'université de Marrakech ne se fait aucune illusion sur les discussions de Poznan, qui s'ouvrent aujourd'hui et ce jusqu'au 12 décembre en Pologne. Marrakech De notre envoyée spéciale Officiellement, cette rencontre veut jeter les bases d'un futur accord pour préparer la conférence de Copenhague fin 2009 et espère enrôler les Etats-Unis (seul pays industrialisé à n'avoir pas ratifié le protocole de Kyoto), mais aussi la Chine, l'Inde, le Brésil, l'Afrique du Sud et le Mexique. « Il nous faut vraiment changer de vitesse, passer du débat à une phase de négociation », a insisté le plus haut responsable du climat à l'ONU, Yvo de Boer. De la bonne volonté qui laisse les climatologues maghrébins sceptiques. D'autant que la récente publication des derniers chiffres sur les émissions de gaz à effet de serre, mercredi dernier, par l'Organisation météorologique mondiale, souligne qu'en 2007, la teneur globale en dioxyde de carbone a totalisé des niveaux records encore jamais atteints (25% de plus qu'en 1990 l'année de référence du protocole de Kyoto). « Il faut y voir une confirmation de ce qu'a dit le quatrième rapport du Groupement intergouvernemental sur le changement climatique : le réchauffement est bien lié aux émissions de gaz à effet de serre, résultat de l'activité humaine, commente Abdelatif Khattabi, enseignant à l'Ecole nationale forestière d'ingénieurs de Salé, au Maroc. On voit bien que toutes les initiatives prises dans le cadre d'une stratégie de développement durable - dont on parle depuis 1992 - n'ont servi à rien. Que ce soit dans les gaz à effet de serre, mais aussi la désertification, la diminution des ressources en eau. » Mohammed-Saïd Karrouk, enseignant climatologue à l'université Hassan II de Casablanca, est encore plus dur : « Les politiques doivent prendre des décisions tout de suite, sans attendre les études des scientifiques, parce que pendant ce temps, nous subissons les effets du réchauffement. On ne peut pas continuer à penser attirer dix millions de touristes alors qu'on doit limiter notre consommation d'eau. Et en finir avec ces incohérences et toutes ces politiques internationales hypocrites. Est-ce que les engagements des pays qui ont ratifié le protocole de Kyoto ont été tenus ? Non. Les chiffres disent qu'on a des baisses globales de 3% ! Moi, je veux bien, mais la réalité dit le contraire. La situation ne fait qu'empirer. » L'expert algérien du Groupement international pour le changement climatique, Mohamed Senouci, se veut plus optimiste : « Poznan ne sera qu'une étape à mi-parcours d'ici Copenhague. Le dynamisme des pays en voie de développement sera mis à l'épreuve. Mais la crise financière peut les aider à exprimer encore plus fort leur crainte de voir leurs intérêts sacrifiés au nom de la croissance des pays du Nord. La dimension éthique de la négociation sur le climat peut contribuer à un plus grand souci d'équité pour peu que les PED se départissent d'un syndrome de « victimisation » et adoptent une posture déterminée à la fois en matière de changement climatique, mais aussi et surtout en matière de développement durable. Car, au fond, il s'agit d'un même débat ! » Une vision sur laquelle le rejoint en partie Abdelaziz Yahyaoui. « Il faut voir ces négociations comme un moyen de faire un plaidoyer. Pour nous, c'est l'occasion de voir où on en est car il y a des industriels, des politiques… mais, clairement, on ne peut pas faire le poids. Pour nous, l'enjeu est zéro. »