Devant un parterre d'experts africains, européens et américains en matière de lutte contre le terrorisme, réunis à l'occasion d'un séminaire organisé par le Centre africain d'étude et de recherche sur le terrorisme (Caert) à Alger, Abdelkader Messahel, ministre délégué chargé des Affaires maghrébines et africaines, a dénoncé hier le phénomène du paiement des rançons réclamées par les groupes terroristes à la suite des prises d'otages. Pour le ministre, ce fléau tend à « saper » les efforts déployés par certains pays pour tarir les sources de financement du terrorisme. Pour lui, « une telle démission devant les pressions des groupes terroristes s'inscrit en violation flagrante des conventions et protocoles internationaux relatifs à la lutte contre le terrorisme, notamment la convention internationale pour la répression du financement du terrorisme de décembre 1999 et va à l'encontre des dispositions pertinentes de la résolution 1373 du Conseil de sécurité, dont le premier article stipule clairement que les Etats doivent s'interdire que des fonds, avoirs financiers ou ressources économiques et services financiers ne soient mis directement ou indirectement à la disposition des personnes qui commettent ou tentent de commettre des actes de terrorisme, les facilitent ou y participent », a déclaré M. Messahel. Il a précisé qu'en reculant devant la pression, en cédant au chantage et en accédant aux revendications des preneurs d'otage, on ne fait qu'encourager les organisations terroristes à persévérer dans leurs activités criminelles. « Devant de telles situations, la fermeté et la détermination doivent être sans failles, si l'on veut donner ses chances de réussite à la lutte contre le financement du terrorisme dans notre région », a-t-il précisé. En fait, M. Messahel – et à travers lui l'Algérie – s'est exprimé en connaissance de cause. « Le terrorisme ne connaît pas de frontières » Le phénomène des enlèvements terroristes suivi de demandes de rançon est devenu une véritable préoccupation pour les autorités, parce qu'ils ont tendance à constituer l'une des principales sources de financement des groupes armés, notamment depuis 2003, lorsque le gouvernement allemand avait versé 5 millions d'euros au GSPC en contrepartie de la libération des 17 touristes allemands et autrichiens pris en otages au sud du pays à la fin de l'année 2002. Un groupe de 14 autres otages avait été été libéré à Tamanrasset, avant que les preneurs d'otages ne transfèrent les 17 autres vers le nord du Mali pour mieux négocier leur libération. Cet argent avait servi, rappelons-le, à l'achat d'un important arsenal de guerre dont une grande partie est arrivée à destination des maquis du GSPC au nord du pays. Depuis, les prises d'otages sont devenues des pratiques courantes chez les disciples de Droukdel, l'émir de l'organisation terroriste. De nombreux commerçants et industriels ont été enlevés notamment dans la région de Kabylie, puis libérés en contrepartie de sommes colossales. Un entrepreneur très connu sur la place d'Alger, pour ne citer que celui-ci, s'est acquitté d'une somme de 250 millions de dinars pour retrouver sa liberté quelques jours après son enlèvement. En tout état de cause, M. Messahel a profité de la tribune offerte par le Caert pour rappeler au monde que le terrorisme, que l'Algérie a connu et affronté seule, « ne connaît plus de frontières et, dans sa lâcheté et son action criminelle, s'attaque toujours de manière aveugle à des cibles vulnérables, motivé dans son entreprise sanguinaire et destructrice par le souci de faire de nombreuses victimes et de provoquer le maximum de dégâts ». De ce fait, il a insisté sur le rôle déterminant que joue l'argent dans la propagation du terrorisme tout en pointant du doigt la complicité des uns et le laxisme des autres. « Complicité des uns, laxisme des autres » Pour lui, « le terrorisme redouble de férocité et fait fi des frontières, tirant davantage son entreprise macabre de complicités individuelles et de laxisme institutionnel constatés parfois à l'intérieur des Etats comme à l'échelle régionale ». Le ministre délégué a dénoncé également ce qu'il a qualifié de « porosité des frontières » qui, selon lui, rend la lutte contre le financement du terrorisme et le blanchiment d'argent plus ardue. Une porosité non spécifique aux pays d'Afrique du Nord ou de l'Ouest, « mais qui constitue un véritable défi pour la région sahélo-saharienne, connue pour la rigueur de son climat, son relief difficile et l'incapacité de ses Etats aux moyens rudimentaires d'assurer à leurs vastes frontières l'imperméabilité requise pour empêcher les trafics de tout genre et assurer le contrôle rigoureux de la circulation des biens et des personnes ». Cette situation, a expliqué M. Messahel, « est compliquée par la procédure de conclusion des transactions entre partenaires à l'intérieur des frontières d'un même Etat comme dans les échanges transfrontaliers où le circuit informel est généralement privilégié par rapport à celui des banques et le chèque abandonné au profit des paiements en espèces ». Pis encore, le ministre a déploré « l'impuissance incompréhensible » de certains Etats de la région devant les trafics à leurs frontières, comme le trafic de drogue et de substances nocives, alors que « l'argent de la drogue finit toujours, selon lui, dans des circuits obscurs et sert souvent après blanchiment au financement d'activités terroristes ». Devant ce constat alarmant et préoccupant, M. Messahel a appelé la communauté internationale dans son ensemble et les organismes des Nations unies ainsi que leurs partenaires à déployer leurs efforts pour permettre à l'Afrique en général et aux pays du Nord et de l'Ouest du continent en particulier de se doter d'instruments juridiques et de structures qui leur permettront de se conformer aux normes et obligations internationales en matière de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. « L'effort doit porter sur le développement de la formation en matière de justice pénale et sur l'assistance technique qui doit tenir compte du niveau de développement des secteurs financiers et des risques propres à chaque pays », a-t-il conclu.