A l'approche de l'Aïd El Adha, Alger se met, au même titre des grandes mégapoles du pays, au goût du jour de la campagne où le cheptel ovin a toute la latitude de brouter nos maigres pâturages. Un décor qui s'y prête joliment, lorsque nous voyons ces ruminants paître dans les alentours d'un douar, dans les parages d'une exploitation agricole, au pied d'une montagne et autres zones pastorales. Ces dernières années, les maquignons envahissent « précocement » les villes pour écouler au prix fort le mouton engraissé, l'espace d'une année, voire plus. C'est normal, car il s'agit de leur gagne-pain et l'opération participe, on n'en disconvient pas, au rituel millénaire de Sidna Ibrahim El Khalil qu'est le « noussouk ». L'on constate, aussi, que les points de vente aménagés dans les communes pour ce type de négoce se multiplient au fil des ans. La capitale compte, à elle seule, 111 sites consacrés aux aires de vente, ce qui n'est pas négligeable. Cela permet de contrôler l'état de santé des ruminants. Mais le réflexe des pourvoyeurs de cheptel ovin préfèrent braver les textes en vigueur en matière d'espaces autorisés par la wilaya et vous bouffent l'espace public, déjà réduit par les petits revendeurs. Cela fait partie du spectacle folklorique d'une ville où le troupeau de moutons se dispute les espaces à la cohue urbaine : trottoirs, aires de stationnement, talus d'autoroutes et culs-de-sac de certaines rues prennent une autre allure. Le cadre bâti de la ville se met à l'heure des crottins et des bottes de foin, à la grande joie des bambins qui trouvent un malin plaisir à gambader en traînant le bélier maculé au henné. Même certains propriétaires de magasins ne ratent pas l'aubaine pour troquer la raison sociale de leur activité contre la vente des « kbech ». Stations-service, garage, kiosque multiservices (ce dernier porte bien sa raison !), vendeur de fripe et je ne sais quoi encore se transforment en étables. L'essentiel est de renflouer la gibecière vite et en un temps court ! C'est devenu une mode, sommes-nous tenus de dire. Dès qu'il y a un événement (Ramadan, Mouloud, Aïd, etc.) certains ne ratent pas l'occase pour se mettre de la partie. Et au diable les circulaires et arrêtés préfectoraux pondus — revus et corrigés — chaque année par les autorités publiques, semblent se dire les maquignons. Ont-ils tort dans la mesure où le laxisme est manifeste ? Cette impunité criante qui ne nous renvoie pas moins à la citation du cardinal de Richelieu : « Faire une loi et ne pas la faire exécuter, c'est autoriser la chose qu'on veut défendre. »