A la veille de l'Aïd El Adha, les rues de la capitale se transforment en un espace où le cheptel ovin vient se joindre au tumulte de la cité. Des pans de trottoirs, des tronçons d'artères, des parcours d'accotements le long d'autoroutes sont squattés au mépris de l'arrêté du mois d'avril 1997, de l'époque du gouvernorat, qui réglemente la vente de moutons et punit les contrevenants outre la mise en fourrière du bétail et des véhicules qui les transportent. Mais la clochardisation semble avoir la peau dure et la « folklorisation » bien ancrée dans certaines mœurs. Dans la périphérie d'Alger, des retraités trouvent matière à meubler leur vide ou à tuer le temps : les locataires leur confient un mois avant le sacrifice, voire plus le cheptel pour le conduire paître dans le parcage voisin au maigre pâturage. Dans les quartiers populeux de la capitale, des gosses s'égosillent en se donnant à cœur joie, trimballant dans une procession le mammifère non sans lui faire subir de dures épreuves. Un moyen ludique pour les joyeux drilles dont les parents ne semblent outre mesure offusqués. Certains propriétaires d'échoppes ou de garages pour véhicules ne ratent pas l'occasion. Ils se mettent, eux aussi, au carillon de l'événement en profitant de cette aubaine commerciale qui rapporte gros. Ils « maquignonnent » leurs locaux en revendeurs de têtes ovines et de bottes de foin crottées débordant sur la chaussée que les agents de NetCom auront peine à débarrasser. Peu importe les conditions sanitaires dans lesquelles se fait la transaction, l'essentiel, c'est de tirer quelques dividendes d'une pratique qui n'a pas cessé, au fil des années, de faire des émules. Au vu et au su de la puissance publique qui préfère fermer les yeux.