Les Américains financent leur déficit avec les réserves de change des pays émergents, y compris l'Algérie, a indiqué, mercredi dernier, El Hachemi Siagh, consultant et président du prestigieux cabinet conseil Strategica, lors de son intervention en marge d'un débat sur la crise financière internationale organisé par le Forum des chefs d'entreprise (FCE). Ces pays, souligne l'expert en finances, subissent « l'équilibre financier de la terreur ». Les ménages américains n'épargnent plus. Le gouvernement américain dit aux pays émergents que leurs actifs vont perdre de la valeur et se déprécier s'ils ne sont pas utilisés pour financer le déficit. Ils doivent donc encore acheter des bons de Trésor. Ces pays seront donc toujours obligés d'acheter des bons de Trésor. Jusqu'à quand cela va durer ? », a-t-il expliqué en relevant que les réserves de changes de ces pays sont évaluées à fin 2008 à environ 10 trillions de dollars. Pour M. Siagh, il est temps que cet important matelas financier serve au développement de ces pays au lieu de financer le déficit budgétaire américain. « Il faut réfléchir pour réaliser un transfert de ces ressources vers les pays émergents. Actuellement, ces pays, dont la Chine, l'Algérie, le Brésil et la Russie, ont des réserves de changes importantes. La question est de savoir comment est-ce qu'elles vont peser sur l'échiquier mondial, comment est-ce qu'elles seront déployées », a-t-il noté. L'ancien ministre des Finances et économiste, Abdelatif Benachenhou, a soutenu pour sa part que « la solvabilité externe de l'Algérie est acquise jusqu'en 2015 ». Et d'enchaîner : « On peut affirmer qu'il n'y a pas de crise de pouvoir d'achat de nature à affecter l'appareil de production. » « Il n'y a pas le feu », a-t-il commenté. Avec des réserves de change qui ont atteint les 142 milliards de dollars, représentant l'équivalent de quatre années d'importations (34 milliards de dollars en 2008), l'Algérie pourra tenir le coup et ne sera pas impactée par la crise financière internationale, même avec un baril de pétrole à 37 dollars, a-t-il fait valoir. Selon lui, la situation n'est pas aussi dramatique qu'en 1986, année où l'économie algérienne était entrée en récession et où le pouvoir d'achat du pays avait baissé de 80%, en raison du recul des cours de l'or noir. « Les réserves de changes de l'Algérie étaient de 3 milliards de dollars à l'époque, soit trois mois d'importations et le montant des dettes dépassait les 17 milliards de dollars », a-t-il rappelé. « Les contraintes budgétaires de demain » Il a soutenu dans le même sillage que les pouvoirs publics algériens ne seront pas contraints à faire des restrictions budgétaires, étant donné que les ressources du Fonds de régulation des recettes (FRR), dont le montant est de 4200 milliards de dinars, pourront être utilisées pour financer le budget de l'Etat. Si l'on tient compte du diagnostic de l'ancien premier argentier du pays, l'économie nationale n'a pas attendu la crise économique et financière internationale pour plonger dans le marasme. D'après lui, le taux de croissance en Algérie a perdu un quart entre 2002 et 2008. Il impute cet état de fait à la baisse du prix de pétrole qui a perdu durant cette période 50% de sa valeur. Le pays a fait l'objet pendant ces années d'une désindustrialisation rapide qui a fait que « le produit industriel en 2007 était le même que celui de 1983 », poursuit M. Benachenhou. « La désintégration du tissu public n'a pas été remplacée par le secteur privé ni par les investissements étrangers directs en valeur ajoutée », constate l'ancien ministre. Avec un tel tableau plutôt peu reluisant, l'économiste considère que si l'Algérie a été jusque-là épargnée par les méfaits de la crise financière internationale, il est d'ores et déjà temps de « parler de la contrainte budgétaire de demain », surtout pour un pays « qui souffre de sous-industrialisation massive ». Le président du FCE, Réda Hamiani, a pris, de son côté, fait et cause pour les PME. Pour ce représentant du patronat algérien, « les décideurs » ne tiennent pas compte de cette catégorie d'entreprises dans leurs choix économiques stratégiques. Il estime en outre que les pouvoirs publics algériens « ont trop vite enterré l'idée de la création d'un fonds souverain qui pourrait être un instrument pour être actionnaire principal dans des entreprises importantes à travers le monde et les inciter à investir en Algérie en tant que partie prenante ». Le président du FCE s'est dit, par ailleurs, effrayé par la perspective de voir l'Etat algérien profiter du contexte international où l'on voit le retour béni de l'interventionnisme étatique pour battre en retraite devant l'instauration de l'économie de marché, estimant que le privé est incapable de se réguler lui-même.