L'instruction du Premier ministre jette le doute sur les rapports qu'entretient le cabinet de conseil Strategica avec certains milieux économiques étrangers. Le cabinet d'études Strategica, détenu à hauteur de 51% par Deutsche Bank et dirigé par l'expert en finances El Hachemi Siagh, semble être dans de beaux draps. Le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, a donné instruction à l'ensemble des entreprises, établissements et banques publiques de ne plus solliciter les services de ce cabinet, auquel il reproche d'avoir franchi les limites tolérées dans la collecte et la divulgation d'informations économiques sur le secteur financier et les entreprises publiques stratégiques. Révélée par le quotidien Echourouk et confirmée par le site TSA, l'instruction d'Ouyahia ne souffre aucune ambiguïté. Elle interdit toute relation d'affaires avec non seulement Strategica mais aussi avec M. Siagh : « Je vous informe que toute relation d'affaires avec le cabinet d'études Strategica et El Hachemi Siagh est désormais prohibée. » Même les contrats déjà signés sont concernés. « Toute entité publique liée par un contrat de prestation avec le bureau d'études en question est tenue de le dénoncer immédiatement », est souligné dans l'instruction motivée par l'existence de données officielles attestant de la « position privilégiée » de ce cabinet, créé en 2002. « Ce bureau d'études, à travers ses différentes activités, s'est constitué une importante banque de données tant sur le secteur financier national que sur des entreprises publiques stratégiques, données pour lesquelles il ne fait guère preuve de réserves dans ses relations avec les milieux économiques étrangers », est-il précisé. L'instruction jette ainsi le doute sur les rapports qu'entretient ce cabinet avec des milieux économiques étrangers sans pour autant préciser de quels milieux s'agit-il. Contacté hier par nos soins, El Hachemi Siagh, président-directeur général de Strategica, n'a pas voulu s'exprimer, arguant qu'il était « en réunion à l'étranger ». L'instruction du Premier ministre fait état, de manière plus globale, d'un « manque d'attention pour la sécurité économique du pays qui s'est développée ces dernières années dans les relations d'affaires entre les entités étrangères ou leurs relais locaux et les entités économiques nationales ». Il a ainsi instruit l'ensemble des responsables des entités économiques nationales à veiller sur « la confidentialité des données de l'économie nationale ». Cette instruction d'Ouyahia s'inscrit dans le même sillage que la circulaire qu'il a lui-même signée le 21 décembre 2009, laquelle limitait déjà le recours aux bureaux d'études étrangers aux seuls grands projets pour lesquels « le savoir-faire national demeure encore insuffisant ». Cette limitation concerne toutes les commandes de l'Etat, y compris la préparation de dossiers de réformes et de modernisation de services publics, ou de dossiers de modernisation d'ouverture de capital des entreprises publiques. La circulaire de décembre 2009 venait en réponse à un constat établi selon lequel les ministères et les administrations publiques recouraient excessivement aux bureaux d'études étrangers. Cela dans un contexte marqué par l'existence à l'étranger d'un véritable marché d'études virtuelles et fictives que des opérateurs étrangers font payer en devises, des opérateurs nationaux non informés ou complices. Ces commandes payées en devises fortes se traduisent souvent par une sous-traitance avec des compétences nationales établies localement et mettent à la disposition de parties étrangères des informations très larges sur l'économie nationale et même sur des secteurs de l'Etat. Strategica, comme on peut le lire sur son site internet, « est une expertise reconnue en ingénierie financière, en gestion stratégique et en développement institutionnel. Spécialisée en montages financiers complexes, dans l'accompagnement des organisations en matière de gestion du changement et en conception et en réalisation d'actions de formation adaptées aux besoins des clients, Strategica a eu à conseiller plusieurs grandes entreprises nationales publiques et privées pour monter leurs emprunts obligataires. Parmi elles, Sonatrach, Sonelgaz, Algérie Télécom, Air Algérie, ENTP, Cevital, EEPAD, Dahli, ETRHB, Société de refinancement hypothécaire (SRH), et l'Enafor. Il y a eu en 2008 3 milliards de dollars d'emprunts obligataires.