Global Zero. Un monde sans armes nucléaires, tel est le nom de la campagne en faveur de l'élimination des armes nucléaires d'ici 25 ans, lancée mardi par 100 personnalités de tous horizons (politique, militaire, financier, société civile…) parmi lesquels l'ancien dirigeant soviétique Mikhaïl Gorbatchev, l'ex-président américain Jimmy Carter, la reine Nour de Jordanie, l'ancien ministre algérien des Affaires étrangères Lakhdar Brahimi, l'homme d'affaires créateur du groupe Virgin, Richard Branson…. Paris. De notre bureau Ces personnalités ont, à l'issue d'une conférence inaugurale à Paris, lundi et mardi matin, convenu que l'élimination des armes nucléaires est « le seul moyen d'arrêter la prolifération et qu'un partenariat spécial entre la Russie et les Etats-Unis est nécessaire ». L'objectif Global Zero prévoit un plan d'élimination totale des armes nucléaires par des « réductions échelonnées et contrôlées », selon un calendrier fixé aux années 2030-2035. Soit des réductions massives des arsenaux russes et américains qui représentent 96% des 27 000 armes nucléaires du monde ; la réduction graduelle et jusqu'à zéro des armes nucléaires détenues par d'autres Etats qui en possèdent ; la mise en place de systèmes de contrôle et de gestion internationale du cycle du combustible nucléaire pour prévenir tout développement futur d'armes nucléaires. L'initiative est ambitieuse, mais de quels moyens disposent ses initiateurs pour la mettre en œuvre et la faire aboutir ? Richard Burt, un ancien négociateur américain sur les armes, a reconnu que Global Zero n'a pas encore obtenu l'engagement d'aucun gouvernement – l'initiative venant juste d'être lancée – et que la tâche s'annonçait difficile. Mais ce qui, il n'y a encore pas si longtemps, semblait « une idée radicale et irréaliste », est en train de faire peu à peu son chemin, a-t-il ajouté. Le récent appel de personnalités de premier plan en faveur de l'élimination de toutes les armes nucléaires, parmi lesquelles le Premier ministre russe Vladimir Poutine et le nouveau président américain Barack Obama, est considéré comme un signe d'encouragement. Avant son élection à la présidence américaine, Barack Obama avait déclaré, en juillet : « Nous ferons de l'objectif d'éliminer toutes les armes nucléaires un élément central de notre politique nucléaire. » Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon a, de son côté, appelé le mois dernier à de nouvelles négociations sur le démantèlement des armes nucléaires, tandis que le président français Nicolas Sarkozy a appelé lundi la communauté internationale à « avancer sur la voie du désarmement ». Mikhaïl Margelov, président de la commission des Affaires étrangères à la Chambre haute du Parlement russe, après avoir rappelé qu'« au cours des 18 dernières années la question de la non-prolifération a été négligée », a indiqué que Global Zero pourrait être « le premier projet de coopération américano-russe ». « La Russie est prête au dialogue, la balle est dans le camp de l'administration américaine », a-t-il ajouté. Une délégation du mouvement Global Zero devra se rendre à Moscou et à Washington pour discuter du plan avec des personnalités de ces deux pays. Les membres de Global Zero ont aussi fait part de leur intention d'organiser un sommet mondial en janvier 2010. Ce travail politique et diplomatique de Global Zero sera accompagné d'un soutien de l'opinion publique mondiale qui, selon une enquête réalisée dans 21 pays, est favorable à un accord international sur l'élimination de toutes les armes nucléaires. « 76% de l'opinion publique mondiale est en faveur de l'élimination des armes nucléaires. Les populations sont en avance sur les hommes politiques », a indiqué en ce sens la reine Nour. « Le poids de millions de signatures amènera les gouvernements à agir », a appuyé Richard Branson, invitant le grand public à soutenir le plan Global Zero et à signer la déclaration, les deux mis en ligne sur le site www.globalzero.org. Quid de l'utilisation nucléaire à des fins civiles ? « Les armes nucléaires sont un problème d'une urgence capitale pour le XXIe siècle », a affirmé l'ambassadeur américain Richard Burt, pointant du doigt « le danger de la prolifération nucléaire en Corée du Nord et éventuellement en Iran », « les répercussions sur les pays de l'Asie du Sud-Est » et « la nucléarisation de plusieurs autres pays musulmans comme la Turquie, l'Egypte, l'Arabie Saoudite… ». « Cette urgence de dénucléarisation a été renforcée par les tensions en Asie du Sud-Est. Si les terroristes étaient dotés d'armes nucléaires à Bombay, cela aurait été un véritable cauchemar », a ajouté l'ancien négociateur américain. Ce qui lui a valu la réplique de Shaharyar Khan, ambassadeur du Pakistan : « A aucun moment la possibilité d'utiliser l'arme nucléaire n'a été évoquée » par l'Inde ou le Pakistan. « Les deux pays, de façon responsable, se l'interdisent ». Pour son homologue indien, Shankar Bapaj, l'initiative Global Zero repose sur une idée lancée par le Premier ministre Rajiv Gandhi, et avant lui par Nehru dans les années cinquante. « Il n'y a pas de manque de prise de conscience dans notre région » et « l'Occident qui a parfois fait preuve d'une attitude colonialiste doit aussi appliquer une certaine réserve. Nous ne sommes pas cet endroit où la crise peut forcément éclater ». Pourquoi le sujet du désarmement nucléaire israélien n'est jamais évoqué, demande un journaliste arabe. « Je n'ai pas d'informations sur ces détails. Si nous voulons réaliser Global Zero, il faut que les Israéliens participent à ce processus, c'est certain », a répondu Richard Burt. Autres questions d'importance, d'actualité et qui appellent une attention particulière : quelle frontière entre les armes nucléaires et l'utilisation nucléaire à des fins civiles ? Comment réduire le désarmement nucléaire, sans entraver le développement nucléaire à des fins d'utilisation énergétique ? « Il faudra que les éléments de contrôle puissent être soumis à l'inspection internationale pour que cette activité puisse progresser. » « Pour réduire les armes nucléaires à zéro, on aura besoin d'un système d'information rigoureux, d'un système d'inspection intrusif, d'une collaboration des pays », a répondu Richard Burt, sans plus de précisions.