Les marchés hebdomadaires de fruits et légumes se suivent mais ne se ressemblent pas. La température des prix est en hausse incessante et le découragement des ménages également. Tous les prix flambent. Avec une disponibilité de produits qui en général, selon les techniciens de la Chambre de l'agriculture, équivaut quantitativement celle de l'année passée à la même période, les prix sont, paradoxalement, relativement allés du simple au double. La mercuriale affiche au début de ce mois, la carotte à 35 DA le kilo, la courgette petite 60-70, le fenouil à 60-70, le poivron long 100, l'aubergine 50-60, le chou-fleur 40-50, le haricot 80. Moins disponibles, sont proposés la tomate à 100 DA et le chou vert à 50 DA. Les relevés statistiques collectés par la Chambre de l'agriculture montrent une marge réalisée sur le prix de cession des mandataires de l'ordre de 20 à 40%. Les détaillants clament à qui veut les entendre qu'ils ne gagnent pas des masses avec une telle marge. Compte tenu des rebuts et des méventes pour cause de fardage. Il est vrai que les documents de la Chambre de l'agriculture montrent que le détail n'est pas loin du gros. Qui donc est responsable de la flambée des prix ? Les producteurs par la voix du président de la Chambre de l'agriculture mettent plutôt la hausse sur le dos des intermédiaires. M. Iskounène est catégorique, « ce sont eux qui imposent leur loi en matière de prix ». Pour le représentant des agriculteurs de la wilaya, il faudrait, pour infléchir la situation, que les producteurs qui ont les moyens d'écoulement de leurs marchandises puissent traiter directement avec les détaillants. Ce qui entraînerait comme effet une véritable concurrence des prix et imposerait un moindre appétit sur toute la chaîne de commercialisation. Est pris en ce sens l'exemple de ces camionnettes qui sillonnent les quartiers populeux et qui se font directement approvisionner chez les cultivateurs. M. Iskounène s'en prend de même à certains mandataires qui « font des marchés de gros un territoire conquis ». Pour une coopérative des producteurs L'accès serait quasiment interdit aux maraîchers de la région. Notre wilaya demeurant encore peu productrice en fruits et légumes, « ce sont dès lors, indique-t-il, les camions des producteurs des régions qui nous entourent qui sont empêchés, par syndicat interposé, de pénétrer dans l'enceinte des marchés de gros ». Il avait fallu, selon notre interlocuteur, une lettre ouverte au chef du Gouvernement en 1999, pour « arracher enfin » trois emplacements au niveau du marché de gros d'Akbou. Il cite le cas d'un gros producteur de la vallée de la Soummam, M. Khelloud, qui « doit se résigner » à installer sa marchandise à l'extérieur. « Il arrive que des mandataires soient absents, ajoute-t-il, mais ceux-ci préfèrent louer leurs carrés à d'autres intermédiaires ». Ce qui aurait pour effet de maintenir la spéculation. La solution préconisée par la Chambre de l'agriculture de Béjaïa n'est pas d'engager un bras de fer avec les mandataires. Il y aurait plutôt matière à gagner si « les autorités mettaient en place en urgence une coopérative des producteurs, un espace où ces derniers pourront commercialiser leurs produits sans intermédiaires ». L'UGCAA, par la voix de son secrétaire général, M. Mamasse, défend le marché de gros comme lieu de négoce exclusif du mandataire. Il met au demeurant la cause de la hausse sur le compte de « la raréfaction des produits ». Il conditionne une baisse des prix par une relation commerciale directe entre fellahs et mandataires, ce qui éliminerait de la chaîne les intermédiaires. Et ce qui laisse aussi supposer la facilitation de l'accès des fellahs aux moyens d'exploitation et qui, par voie de conséquence, ne seront plus obligés pour s'en sortir de louer leurs terres ou de vendre leurs productions avant floraison. D'où la mise en place nécessaire, telle que réclamée par M. Iskounène, d'une coopérative des producteurs. M. Mamasse revient sur « le problème de la TVA » pour les mandataires dont certains ont un « passif lourd ». Or, ces derniers, défend-t-il, « ont consenti de gros investissements et sont astreints à de lourdes charges. » Enfin, pour l'UGCAA, la moralisation de tout le circuit passe indéniablement par une véritable centralisation des disponibilités et ce en édifiant « un véritable marché de gros ». C'est là la condition qui réinstallerait dans les mœurs des négociants la concurrence. Autrement dit, en lieu et place de la spéculation, c'est toute « la loi de l'offre et de la demande » qui reprendrait place.