Connaît-on la portée et le poids du monde étudiant en Algérie depuis les années 1960 ? Ainsi s'est formulée l'interrogation de l'historien Daho Djerbal, à l'occasion d'une rencontre hier au Cread (université de Bouzaréah, Alger) autour de l'histoire et de l'archivage du mouvement étudiant. La rencontre a eu lieu entre des chercheurs algériens et l'archiviste et historien Jean-Philippe Legois, directeur de la mission CAARME, qui ambitionne de créer à Reims (nord-est de la France) le centre d'animation, d'archives et de recherches sur les mouvements étudiants. « Comme foyer de renouvellement de la citoyenneté et comme forme de mobilisation sociale, le mouvement étudiant est un objet d'études très intéressant », a expliqué le chercheur français, évoquant notamment les événements en France de mai 1968, thème d'un festival de films, « 68 au cinéma », jusqu'au 16 décembre à la filmathèque Mohamed Zinet à l'Oref. Le projet de recueil et de valorisation des archives du mouvement étudiant, un champ d'étude encore peu reconnu en France, se confronte à plusieurs difficultés, a indiqué Jean-Philippe Legois, citant la pauvreté des archives écrites, le renouvellement des élites au sein de ces mouvements et l'éclatement de ces structures. Tout en attirant l'attention sur l'importance de la collecte des matériaux d'archives, l'historien Daho Djerbal a mis en exergue qu'en France les centres de recherche et d'archivage sont adossés sur des institutions étatiques, nationales et régionales, qui s'impliquent avec les scientifiques, faisant même appel au capital privé. En Algérie, le déficit en termes d'histoire du mouvement étudiant reste effarant. « Combien d'entre nous peuvent déterminer en quoi l'Union nationale des étudiants algériens (UNEA) d'aujourd'hui est différente de l'UNEA des années 1960 ? Qui se souvient encore du deuxième congrès de l'UNEA en 1967 à Club des Pins ? Les noms sont oubliés et la mémoire n'est pas conservée », a alerté Daho Djerbal. Un champ d'étude encore vierge.