Ihab Iskandar, jeune architecte diplômé de l'Ecole spéciale d'architecture (DESA) de Paris et manager d'Iskan d'Art, caresse un vieux rêve : la renaissance de Constantine, capitale de l'Est. Il veut la délivrer de ses bidonvilles, ces plaies béantes qui ont défiguré la ville des ponts. Sous le pont de Sidi Rached, des habitations anarchiques ont fait tache d'huile et des marchés illégaux se sont développés. « Constantine renie ainsi son rôle de métropole en lui procurant tous les maux de la société : la délinquance et le trafic. Elle voit ainsi sa sécurité et ses mœurs atteintes. » Il a présenté, lundi dernier, à l'hôtel Sofitel (Alger), tout un projet avec des images en 3D. Le projet comporte la restauration de la Médina, la consolidation du pont de Sidi Rached, la démolition du Bardo en vue de la construction de la troisième corniche, la construction de trois autres corniches dans la forêt et la démolition de Djenan Tchina, route de Roumanie, Chalet des pins et la reconstruction du sol de oued Rhumel, recevant la nouvelle capitale avec ses tours. Comment l'idée a-t-elle germé ? Ihab répond d'une voix émotive : « En regardant du balcon de mon appartement loué à Constantine afin de pouvoir me loger pendant la réalisation de mon travail d'architecte dans cette ville. Ce balcon donne sur une vue de rêve : le pont de Sidi Rached, la Médina derrière lui, mais en regardant bien, j'arrivais à ressentir le mal qu'ont ces murs à résister au temps qui passe, la forêt avec ses chemins qui la traversent, quel choc ! Quand je regarde en bas et aux pieds du pont de Sidi Rached, des bidonvilles encerclent la belle vue ! On aurait dit une jolie fleur dans un dépotoir ! » Un sentiment de révolte l'a poussé à descendre aux pieds du pont, et il a vu le mal de vivre des habitants de ces constructions précaires et ressentit la grandeur écrasante de ce pont. « A ce moment-là, tout le projet est devenu clair dans ma tête », dira-t-il. Considérée par de nombreux spécialistes comme un « musée à ciel ouvert », la ville de Constantine doit, selon lui, « retrouver ses repères, préserver son passé, fonder son présent et bâtir son avenir ». Avec des zones piétonnes, un quartier d'affaires et des gratte-ciel, Constantine deviendrait une métropole digne de ce nom ? Ihab rêve de restaurants et cafés qui animeraient la ville et créeraient une atmosphère particulière qui, l'espace d'un repas, nous transporterait loin du train-train quotidien et d'une activité économique qui dynamiserait la ville dans son ensemble au lieu de la reléguer, comme c'est le cas actuellement, au stade de ville de province repliée sur elle-même. Son projet est un rêve, mais va-t-il se concrétiser un jour ? « Pour moi, j'ai fait ma part, c'est à d'autres cercles de décision de voir s'ils adoptent ce projet ou non. En tout cas, j'ai envoyé une copie aux ministères et aux wilayas », dira-t-il. « Constantine, la renaissance » est un projet ambitieux et audacieux : il ne s'agit pas de se contenter de faire du replâtrage mais d'imaginer une nouvelle dimension de la ville.