L'Asie du Sud, ravagée par les raz de marée, est devenue depuis quelques jours le nouveau terrain d'affrontement diplomatique de la communauté internationale. Les Etats-Unis avaient annoncé, le 29 décembre 2004, la création d'une « coalition humanitaire » avec le Japon, l'Australie et l'Inde, pour venir en aide aux sinistrés, déclenchant l'irritation de l'Organisation des Nations unies (ONU), doublée dans l'une de ses missions. Mais Washington a finalement reculé, jeudi dernier, à Jakarta, où 26 pays et organisations internationales étaient réunis pour coordonner leurs efforts face à la crise humanitaire. Les Etats-Unis ont mis fin à leur « coalition », et l'ONU a été reconnue maître des opérations. Mercredi, à la veille du sommet, la Commission européenne avait réaffirmé la place des Nations unies comme « lieu naturel de la coordination de l'aide » internationale. Le quotidien allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung annonçait que Jacques Chirac « veut empêcher que l'Amérique ne se serve de son opération ad hoc pour créer un précédent qui affaiblirait durablement le rôle de l'ONU ». Les chefs d'Etat des pays asiatiques touchés par le tsunami, peut-être contrariés par la présence des navires de l'US Navy près du détroit de Malacca, avaient eux-mêmes réclamé une autorité « neutre et légitime » à la tête des opérations de secours, rappelle Libération. Ces navires « resteront quelques semaines, peut-être quelques mois, mais certainement pas quelques années », a rassuré Kofi Annan, le secrétaire général de l'ONU, dès l'ouverture du sommet. Durant plusieurs jours, la querelle s'est développée à coups de promesses de dons. Avec en point de mire les futurs investissements nécessaires à la reconstruction de la région. Le chancelier allemand Gerhard Schroeder avait annoncé mercredi le déblocage de 500 millions d'euros par son pays, plus grosse promesse alors enregistrée, en précisant que l'Allemagne n'avait « pas d'ambition quant au classement ». Quelques heures plus tard, l'Australie surenchérissait de 58 millions d'euros la promesse allemande. Andrew Natsios, responsable de l'Agence américaine pour le développement (Usaid), avait été l'un des premiers à tirer, en déclarant que « le programme d'aide humanitaire de la France n'est pas si gros que cela ». Au contraire de ceux des « Britanniques, de l'Union européenne, des Japonais, des Canadiens et des Australiens (...) très généreux ». « La France finance 17% de l'aide humanitaire de l'UE », avait rétorqué l'ambassadeur de France à Washington, Jean-David Levitte, choqué. C'est pour mettre fin à cette course que les ministres européens des Affaires étrangères, de la Santé et du Développement se sont réunis en conseil extraordinaire, hier, à Bruxelles. « Nous n'avons pas voulu entrer dans une surenchère avec d'autres nations », a affirmé le ministre britannique des Affaires étrangères, Jack Straw, cité par Le Monde. « Le problème n'est pas de faire de la musculation avec des chiffres », a acquiescé le commissaire européen au développement et à l'action humanitaire, Louis Michel. « Nous verrons, au bout du compte, quelles sont les promesses les plus crédibles. » L'ONU a déjà fait savoir par son secrétaire général qu'elle ne veut plus de promesses mais du « cash ». Selon l'agence AP, l'organisme international réclame 1,7 milliard de dollars aux pays donateurs... qui en ont promis plus de deux fois plus. Le Monde rappelle qu'après le séisme qui a frappé l'Iran, à Bam, en 2003, moins de la moitié des promesses de dons avaient effectivement été versées.