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OPA sur la station de Tikjda
COMITÉ OLYMPIQUE ALGÉRIEN
Publié dans El Watan le 08 - 01 - 2005

Préparez une table pour le président du Comité olympique, votre nouveau patron ! » La demande a tenu lieu de provocation, hier, pour les 35 travailleurs de l'hôtel Djurdjura de Tikjda. Déjà furieux et démotivés depuis qu'ils ont pris connaissance de l'imminent passage de leur établissement sous l'autorité du Comité olympique algérien (COA).
Les négociations entre cet organisme et l'Entreprise de gestion touristique du centre (EGTC) sont en phase finale. Les touristes, locaux notamment, appréhendent de voir la prestigieuse station de ski connaître le même sort que celui de Club des Pins. En cette période de fort enneigement, la station de Tikjda connaît un véritable rush. L'hôtel Djurdjura, le seul dans la région, affiche complet jusqu'à la fête de l'Aïd El Kebir. Après avoir été détruit par le terrorisme, il renaît de ses cendres. Les travaux de restauration, entamés en l'an 2000, lui ont permis de rouvrir ses portes vers la fin de l'année suivante. Sur un total de 100 chambres, 29 ont été complètement retapées et sont exploitées à longueur d'année. Les six appartements que comprend l'hôtel ont été également rénovés. Dénonçant un coup dur pour le tourisme, les travailleurs ne parviennent pas à expliquer comment l'Egtc peut abandonner un établissement aussi rentable d'autant qu'ils y ont risqué leur vie. « Comment peut-on nous faire cela après tout ce que nous avons vécu ? Nous avons passé toute une vie ici, et aujourd'hui nous risquons le licenciement », s'inquiète l'un d'eux. Selon certaines sources, la décision aurait été prise par le chef du gouvernement, Ahmed Ouyahia, voire le président de la République, pour promouvoir un sport d'élite. Malgré la menace pointée sur leur tête telle une épée de Damoclès, les travailleurs continuent d'offrir le meilleur accueil à la clientèle. Une clientèle très hétéroclite : des amateurs de ski algérien et étrangers, des familles fuyant le temps d'un week-end le brouhaha des villes, des sportifs, des malades, particulièrement les asthmatiques. En plus de l'hiver, l'été constitue aussi une haute saison touristique. Abdennour Essed, médecin, a vu grandir son fils sur les pistes de ski de Tikjda. En 1963, il a été l'un des fondateurs de la Fédération algérienne de ski. Habitué à ces lieux qu'il affectionne particulièrement, il a fondé à la fin des années 1980 l'Association des amis de Tikjda. Le premier assaut terroriste qui a visé la station en 1994 l'a obligé à ne plus y revenir pendant plusieurs années.
Entre crainte et espoirs
« Quand les travailleurs nous voient revenir, c'est l'espoir qui renaît chez eux », soutient-il. La crainte de voir tout le site fermé au public le laisse ahuri. Venu en Algérie en 2001, Pierre Farella, un touriste français mordu de la glisse, a appris l'existence de la station de ski de Tikjda. Son tempérament aventureux l'a incité à aller inspecter les lieux. La beauté du site l'a complètement envoûté et, depuis, il y vient à chaque saison de l'année. Au début, les services de sécurité lui ont demandé de ne pas trop s'éloigner de l'hôtel. « Chaque fois que je viens, je constate que nous gagnons des périmètres de sécurité au point que nous pouvons aujourd'hui nous déplacer en toute sécurité. Pour venir ici, il faut vraiment en avoir envie d'autant que le personnel de l'hôtel est adorable », indique-t-il. L'idée de ne plus pouvoir séjourner dans cet endroit le consterne. « Il y a des gens qui ont fait des efforts pour que cet hôtel redevienne ce qu'il est. Le public a donc le droit de venir ici », ajoute-t-il. Les travailleurs de l'hôtel ont redoublé d'efforts. Même si les trajectoires de leur vie se sont séparées après la descente terroriste nocturne de 1994. Après cette nuit, ils sont revenus pendant un certain temps travailler pendant la journée. En aparté, ils ressassent cette sinistre période. « Comme les terroristes voulaient tout piller, nous avions décidé d'ériger un mur derrière lequel nous avions mis à l'abri tout le matériel de valeur », se souvient Roberto, un natif de la région, surnommé ainsi par une ancienne touriste. Pendant qu'un employé donnait un dernier coup de pinceau au mur, un terroriste menaça de le tuer s'il ne lui avouait pas ce qu'il cachait derrière. « Vous pouvez me tuer, je n'ai rien à dire, car il n'y a rien », répondit-il. Après un moment d'hésitation, le terroriste décida de se retirer. Devant le retour de la clientèle - la plupart des familles - et l'image d'enfants qui jouent dans le hall de la cafétéria et les couloirs de l'hôtel, la douleur des souvenirs s'émousse. Quand il évoque cette période, Mouloud parvient encore difficilement à contenir ses larmes. Ce quinquagénaire, gérant d'un magasin de souvenirs à l'intérieur de l'établissement hôtelier, a pris en 1995 la tête d'un groupe de 12 patriotes. Le groupe est passé à 150 en 1998. Aux côtés des éléments de l'Anp, ils sont parvenus à déloger les terroristes de Tikjda. Le sol de son magasin, qu'il avait abandonné en 1994 avec à l'intérieur une marchandise d'une valeur de 250 millions de centimes, porte encore quelques traces de feu. Sur un petit plateau accroché au mur est gravé le nom de son neveu : Boulil Amar, tombé dans une embuscade le 10 mars 2001. Il devait passer son bac cette année-là. Amar était assis dans le véhicule de Mouloud. Les terroristes les avaient confondus ! « Aujourd'hui la sécurité est totale. C'est un véritable plaisir de voir autant de monde. De plus, les gens sont à chaque fois impatients de revenir », affirme Mouloud en guise de satisfaction. Un sacrifice parmi tant d'autres qui a permis à la vie d'avoir le dernier mot. Le week-end, il est pratiquement impossible de trouver une place pour stationner. Malgré des téléskis et des télésièges hors service, les vacanciers utilisent des luges de fortune. Certains habitués utilisent un vieux matériel datant des années 1980, les équipements neufs étant hors de prix. D'où le projet de la direction de l'hôtel d'en acquérir en vue de les louer aux skieurs. Une salle de jeu pour enfants est également prévue. Ces projets risquent probablement de ne pas voir le jour. « Pourquoi le COA n'a pas voulu prendre l'hôtel lorsqu'il était en ruine ? En plus pour quels résultats sportifs ! », s'indigne un employé. Pourtant, le ministère de la Jeunesse et des Sports dispose de structures en rénovation attenantes à l'hôtel Djurdjura. Sous le ciel d'un vendredi radieux, l'orage se prépare pour les 35 travailleurs de l'hôtel Djurdjura.


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