L'autre revers de la médaille, la véritable militance au niveau de l'opposition démocratique, compétente et convaincue, se retrouve, quant à elle, marginalisée, voire suspectée car décriant ces dysfonctionnements et désignant souvent les responsabilités se situant aussi bien au niveau régional qu'au niveau de la direction nationale. Autre grief porté contre les représentants de la mouvance démocratique au sein de l'APN (Assemblée populaire nationale) est sans nul doute la légitimation de cette participation qui vient d'être ébranlée par deux secousses qui auraient dû constituer de véritables aubaines de rendre à la politique et à l'opposition démocratique ses lettres de noblesse et une crédibilité qui lui fait défaut depuis plusieurs années. L'entrée sociale et politique de cette année est marquée par le passage devant « les représentants du peuple » de la chambre basse et du Sénat, tous présents pour une fois, de la nouvelle loi de finances qui a revu à la hausse les salaires des députés qui atteignent désormais pas moins de 30 millions de centimes au moment où le SNMG est de 12 000 DA. Les députés issus des partis du pouvoir ou de leurs satellites dans l'opposition comme le PT ou les « indépendants » ayant, sans surprise, soutenu cette loi, les députés démocrates l'ont, quant à eux, certes critiquée et s'étaient « opposés » au moment du vote mais ce que le commun des citoyens et surtout ce qui reste de leur base militante avait espéré voir comme projection concrète de ce « non » démocrate dans l'action politique, n'a hélas pas eu lieu. En effet, l'on se demande bien si on est dans la pratique politique ou dans le profit, sinon, n'importe quel député qui serait mû par un combat pour des idées et des idéaux pour lesquels il a été élu par ses électeurs potentiels ne se serait jamais suffi d'un « non » et puis rien, ou plutôt, nous serions mieux inspirés d'écrire « ne se serait jamais suffi de voter contre la loi de finances et d'accepter de percevoir les sous qu'il a rejetés par le vote ». Etre conséquent avec soi et avec son discours, voilà où réside la crédibilité au regard de l'opinion car, d'aucuns avaient attendu que nos députés convoquent illico une conférence de presse pour annoncer qu'ils refusaient de toucher l'augmentation faramineuse de leur salaire et qu'ils avaient décidé de la verser mensuellement à des associations ou à des citoyens vivants dans la précarité ; ce qui, chaque mois, sera rendu public dans le détail. Voilà une action qui aurait été une réhabilitation du politique et qui aurait réinsufflé de la confiance et de l'espérance chez le citoyen. Voilà une action qui aurait prouvé la bonne foi du « non » des démocrates qui, au final, est apparu aux yeux des citoyens comme une farce mise en scène pour les besoins de la communication, pour ne pas dire pour la consommation médiatique, mais perçue comme une hypocrisie au niveau de la base et des laissés-pour-compte, c'est-à-dire de la plupart des Algériens. Autre aubaine, le coup de force constitutionnel du 12 novembre dernier. En effet, le veto des démocrates aurait été plus honorable et mieux rentabilisé s'il n'avait pas manqué de cette continuité dans le temps et l'espace. Dans un tel cas de figure, ou on est dans la pratique politique ou on ne l'est pas, et si l'on est dans le premier cas de figure, cela nécessite des prises de position « spectaculaires » à la mesure de la gravité de la situation. Le groupe parlementaire des démocrates aurait marqué de son empreinte l'histoire de la politique algérienne en convoquant au soir du 12 novembre-même une conférence de presse pour annoncer tout bonnement leur retrait définitif d'une Assemblée nationale qui, très mal élue et loin d'être au service du citoyen, venait de prouver qu'elle est un outil de propagande et de répression au service du régime en place. Le choix de nos députés de garder la chaleur de leurs sièges dans l'hémicycle Zighout Youcef et la consistance de leurs privilèges rendent leur vote contre les amendements constitutionnels sans valeur ni portée politique. Pire, il s'est avéré que le régime lui-même en avait besoin comme alibi démocratique et pluraliste à une assemblée « beni oui-ouiste ». Alors, à la question « boycotter et après ? », il n'y a que cette réalité désolante qui saute aux yeux en guise de réponse. Une réalité qui inspire cette autre réponse : « Ne pas boycotter, et après ? ». Quand on n'est pas représenté au niveau des deux chambres en raison de positionnements instinctifs qui pèchent par une absence flagrante de stratégie et de vision cohérentes, ou encore, en raison d'un affaiblissement criant dû aux tiraillements internes qui s'invitent sur la place publique et qui se soldent par des exclusions massives des contestataires, alors la médiocrité se retrouvant aux règnes sur la base d'affinités familiales ou tribales, ce qui est une aberration pour un mouvement d'essence démocratique, produit une nouvelle manière de faire de la politique en recourant systématiquement à un oppositionnisme injurieux puisant dans le vocabulaire ordurier et affichant quand même la prétention de se réclamer unique vraie force de l'opposition ! Cela n'est pas sans s'ajouter à tous les dysfonctionnements qui produisent un effet répugnant chez les citoyens, creusant davantage le fossé, déjà considérable, entre le parti de l'opposition démocratique et la société. En conclusion, l'absence de transparence sur le plan de la comptabilité et des finances des partis de la mouvance démocratique est une réalité indéniable que continuer à la renier ne ferait que renforcer le scepticisme et le doute, partant de faire perdurer le rejet relatif dont ils font l'objet de la part de la société. En effet, bien naïf (ve) celui ou celle, parmi les simples militants, qui prétendra pouvoir jeter un œil sur la comptabilité réelle de nos partis démocrates ou le salaire du député, celui des cadres, les sources de financement, les dépenses, les bilans réels… relèvent encore des sujets tabous qu'on n'aborde jamais dans les grands rassemblements de militants comme les assemblées générales régionales, nationales ou même lors des congrès qui sont souvent de simples cadres d'enregistrement des bilans ficelés à l'avance et qui n'offrent aucune possibilité au militant ou au responsable local d'en vérifier l'authenticité sans provoquer des remous, de la suspicion et la marginalisation. Ce regard critique n'aura pas les bonnes grâces de ceux qui se complaisent dans l'opacité et c'est tant mieux. Nous ne doutons point cependant que nous n'avions rien fait d'autre que de refléter une réalité bien plus grave que tout le monde, citoyen, militant de base et petit cadre des partis de l'opposition démocratique, connaissent et subissent la mort dans l'âme. Bien malintentionné enfin celui qui conférera à ce texte une volonté délibérée de nuire à notre opposition, car il y en aura même ceux qui crieront à la manipulation. La réalité est têtue et ce texte, dont le contenu a du mal à se faire entendre dans les chapelles partisanes, se veut avant tout une invitation à une halte et à une autocritique sans complaisance pour une redéfinition de cette mouvance et pour réinventer des partis politiques s'inscrivant viscéralement dans une véritable démocratie interne et puisant leur légitimité dans leur exercice politique en parfaite adéquation avec le discours politique. C'est à ce prix et uniquement à ce prix que la maturité politique se produira, que l'adhésion populaire sera possible et qu'enfin les partis de l'opposition démocratique qui auront le devoir de se regrouper dans une famille politique sur la base d'une plate-forme minimale républicaine pourront se présenter en véritable alternative. Nous appelons ce sursaut qualitatif de tous nos vœux.