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« Israël ne pourra pas éradiquer l'esprit de résistance » Barah Mikaïl.Chercheur spécialisé sur le Moyen-Orient à l'Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS - Paris)
L'objectif affiché de l'offensive terrestre israélienne est d'éradiquer le Hamas. Concrètement, comment pourra-t-elle atteindre cet objectif ? Les Israéliens ont déjà réussi à affaiblir le Hamas militairement et stratégiquement. Des cadres du mouvement ont été décapités et les bombardements vis-à-vis de ses positions militaires sont considérables. Pour autant, je crois qu'Israël ne parviendra pas à éradiquer complètement le Hamas, l'esprit de résistance, le soutien dont il jouit au sein de la population, sa capacité à se relever, à compter sur les comités de résistance, par exemple. Par ailleurs, selon certaines organisations, on en serait à 40% de victimes civiles. L'organisation Hamas aura beau être déstructurée, la population palestinienne, avec ce qu'elle endure, ne fera ni le jeu ni le choix d'Israël et continuera sa lutte. A votre avis, combien de temps cela va-t-il prendre ? Au début, je pensais que s'ils entraient dans la bande de Ghaza, ce ne serait pas pour longtemps. A en croire les Israéliens, l'offensive est partie pour durer. Cela dépendra, à mon avis, du nombre de victimes dans leur camp. Les Israéliens donnent l'impression de développer une stratégie au jour le jour. Est-ce un leurre ou une réalité ? Je crois qu'ils veulent avant tout éviter de retomber dans l'erreur libanaise. Dans un premier temps, ils ont annoncé vouloir faire cesser les tirs de roquettes ; dans un deuxième temps, ils ont dit vouloir éradiquer le Hamas et, maintenant, ils reviennent à leur position initiale : ils semblent développer une stratégie en fonction de ce qu'ils ressentent du terrain. Les spécialistes de la région comparent l'attaque israélienne à celle de 2006 au Liban. Le rapprochement est-il justifié ? Au regard de l'arsenal détenu, de la stratégie et du terrain, non. Le Hezbollah était mieux armé et mieux coordonné. Ce qui explique qu'un des pans importants de la stratégie terrestre israélienne passe par la mise à mal de la chaîne de communication entre les cadres du Hamas. Les Israéliens ont mis en place ce qu'on appelle des « lignes latitudinales », les lignes de communication qui longent la bande de Ghaza, pour être sûrs que les cadres du mouvement ne puissent pas communiquer. Enfin, le relief du territoire palestinien ne ressemble pas à celui du Sud-Liban. Même s'ils connaissaient le terrain, les Israéliens ont été bloqués par les routes étroites et les collines. Ils sont plus familiers de la bande de Ghaza, où le terrain est plat et permet aux chars de foncer. Ils savent vers quoi et où ils avancent. D'un point de vue politique, une fois le conflit terminé, qu'adviendra-t-il du Hamas et du Fatah ? Le Fatah sortira clairement affaibli. D'abord d'un point de vue interne. L'attitude conciliante de Mahmoud Abbas ne fait pas consensus. Moins il parvient à trancher, plus il devient fragile. Ensuite, l'image du Fatah s'est considérablement émoussée depuis la mort de Yasser Arafat. L'actuel président de l'Autorité palestinienne n'a réussi à mettre en avant ni un charisme ni une stratégie payante. Il n'a pas su opposer de réaction forte aux Israéliens. Aux yeux des Palestiniens, il n'apparaît plus en mesure de faire pression et les conforte dans leur choix sinon pro-Hamas, du moins anti-Fatah. Aujourd'hui, plus d'un million de personnes, soit l'essentiel de la bande de Ghaza, sont acquises au Hamas. Et l'ampleur des manifestations dans le monde risque d'accentuer ce phénomène. Pour les Palestiniens, cela signifie que les opinions publiques internationales sont de leur côté, que leur stratégie de résistance est comprise. Ce qui alimente leur perception de faire le bon choix en suivant le Hamas. Le Hamas n'est-il pas en train de faire le « sale boulot » du Fatah qui se réserve ainsi le terrain politique ? Cela impliquerait qu'un accord soit possible entre les deux. Or, j'en doute. Tout comme le Hezbollah il y a deux ans, le Hamas verra sa popularité intacte, voire grandie. Les membres du mouvement diront : « Les Israéliens avaient promis de nous affaiblir mais ils ont causé la mort de femmes, d'enfants et détruit des hôpitaux, des mosquées... » Et ils marqueront des points au détriment du Fatah qui a tenu un discours d'obstruction, faisant porter la responsabilité du conflit au Hamas. - Le quotidien israélien Ha'Aretz a révélé que l'opération terrestre était prévue depuis six mois. Comment faut-il le comprendre ? Non seulement, la stratégie a été mise au point il y a six mois – mûrie de longue date comme beaucoup de stratégies militaires israéliennes – mais en plus le ministre de la Défense Ehud Barak en est le concepteur. Sans doute s'est-il dit qu'Israël ne devait pas laisser le Hamas avancer, plutôt se préparer à toute éventualité. Il ne faut pas oublier que les Israéliens n'ont pas respecté la trêve – le terme d'accalmie serait plus juste – et cherchaient le moyen d'affaiblir le Hamas à l'approche des élections législatives et alors que les Etats-Unis connaissent une période de transition entre deux présidents. Cette théorie me conforte aussi dans l'idée que l'entrée en vigueur de ce plan d'attaque a fait l'objet d'un accord tripartite entre le Premier ministre Ehud Olmert, le ministre de la Défense et la ministre des Affaires étrangères Tzipi Livni. En d'autres termes, c'est sur Ehud Barak que repose la stratégie et il espère en tirer profit pour faire partie du futur gouvernement. D'un autre côté, si les Israéliens sortent gagnants du conflit, les autres pourront dire : « Nous étions avec Barak dès le début, donc nous avons eu raison. » Dans le cas contraire, ils rejetteront la faute sur lui.