A partir de Genève, le CICR met en garde contre une véritable crise humanitaire à Ghaza et appelle les deux parties à distinguer entre les cibles militaires et la population civile. Sa chargée des relations avec les médias, Mme Dorothea Krimitsas, n'a pas pu avancer de bilan mais a qualifié l'évolution de la situation de très dangereuse. Quelle analyse faites-vous de la situation humanitaire, au 11e jour de la guerre menée par l'armée israélienne contre Ghaza ? La situation est extrêmement chaotique après une nuit (lundi à mardi) éprouvante de désespoir, de peur et de frustration. En attendant l'arrivée des secours, bloqués par les bombardements, la situation de la population est extrêmement difficile, aggravée par l'intensité du conflit durant toute une nuit. Les hôpitaux sont débordés, les médecins n'arrivent plus à répondre au flux de blessés et manquent lourdement de médicaments comme les anti-douleur et les anesthésiants. Le personnel médical est submergé par les blessés, eu égard à l'intensité des frappes. En plus des pertes humaines, la population est lourdement affectée par le manque en besoins essentiels, comme l'électricité par exemple. Il est à craindre que plus de 500 000 habitants de Ghaza soient privés d'eau potable, suite à la rupture depuis la nuit de lundi à mardi du courant électrique nécessaire pour puiser l'eau des puits. Nous sommes dans une situation de grave crise humanitaire. Ne pensez-vous pas que nous sommes en pleine violation du droit humanitaire international par l'armée israélienne qui cible la population civile ? Je dirais plutôt que le droit humanitaire exige de cette distinction entre civils et combattants soit respectée des deux côtés. Bien qu'à Ghaza, la densité de la population ne permette pas de faire cette distinction, je m'adresse aux deux parties pour dire que placer des cibles militaires parmi la population civile, c'est exposer celle-ci à une riposte et rendre les secours plus difficiles à acheminer. Les bâtiments et les infrastructures civiles ne doivent pas être utilisés comme cibles militaires. Nous ne cesserons jamais de rappeler aux deux parties d'éviter les populations civiles. Avez-vous pu dresser un premier bilan de cette situation ? Il est très difficile pour nous d'avancer un quelconque bilan pour l'instant. Avant de compter les morts et les blessés, la priorité est de sauver les gens. Un nombre important de civils est actuellement pris en otage dans ce conflit. On sait que la situation est critique depuis 18 mois déjà, mais le conflit s'est encore aggravé avec les bombardements. Je n'ai pas de bilan pour l'instant. Avec le Croissant-Rouge palestinien, les hôpitaux, nos délégués sur place, nous ne cherchons pas à faire le compte des victimes. Nous faisons plutôt tout pour trouver le moyen d'acheminer les aides à la population civile. Nous avons une équipe chirurgicale déjà sur place, renforcée par un personnel médical qui tente de prodiguer les soins nécessaires. Comment faites-vous pour assurer la sécurité à l'acheminement des équipes de secours ? Il est très difficile et extrêmement dangereux pour les équipes humanitaires car les voies d'accès à Ghaza subissent des bombardements intensifs. Nous avons malgré cela réussi à prendre contact avec 13 expatriés sur place, qui cordonnent avec les autorités et les groupes armés palestiniens, pour faire passer toute l'aide et acheminer les équipements de soin aux nombreux blessés qui attendent. Mais nous sommes souvent freinés par la lenteur des réponses et l'intensité des bombardements. L'assistance humaine est devenue très difficile et même dangereuse. Quelle est l'aide la plus urgente à apporter aux victimes ? Les hôpitaux ont surtout besoin d'anesthésiants et d'anti-douleur, de draps, de couvertures et de matériel chirurgical. Plus de 3000 patients risquent de mourir à cause de la pénurie de fuel qui permet de faire fonctionner les générateurs d'électricité dans les hôpitaux, à cause des chirurgiens qui ne peuvent pas se déplacer de peur d'être la cible des tirs, à cause des ambulances qui n'arrivent pas à évacuer les blessés parce que tombées dans des zones bombardées... La situation est tellement grave que le CICR a appelé les deux parties à respecter la distinction entre les populations civiles protégées par le droit humanitaire international et les cibles militaires afin de permettre l'accès immédiat de cette population aux besoins les plus élémentaires pour sa survie. Mais l'intensité des bombardements fait craindre le pire et les Palestiniens ne se remettront pas aussi facilement de cette rude épreuve.