Le monde entier a été saisi par la tragique odyssée de l'Aquarius, ce navire chargé de plus 600 migrants, dont des femmes enceintes et des enfants, ballotté au large de la Libye, entre l'Italie et Malte. Aucun des deux pays de l'Union européenne n'ayant accepté de les accueillir, tandis que la France voisine s'enfermait dans un inquiétant silence, préférant ainsi ne rien voir de ce drame qui se déroulait en Méditerranée occidentale. Il aura fallu que l'Espagne — où un gouvernement socialiste a été nouvellement élu —, dans un geste humanitaire, mette fin à cette bouleversante odyssée qui risquait de s'achever en tragédie en acceptant de les accueillir dans le port de Valence. Le bras de fer diplomatique entre pays européens et la réaction de l'UE autour de l'accueil des migrants venus d'Afrique ou du Proche-Orient et, beaucoup plus, les déclarations officielles avec en toile de fond le sort de ces 630 migrants de l'Aquarius soulèvent pas mal d'inquiétudes. D'abord sur cet inexplicable «repli sur soi» du vieux continent face au drame de ces millions de femmes et d'hommes poussés vers la recherche de cieux plus cléments par les guerres, la famine ou tout simplement la mal-vie qui prévaut dans la majorité des pays du Sud. La tournure des événements de ces derniers jours renvoie l'image d'une Europe sans doute tétanisée par la montée de l'extrême droite dans certains pays, comme en Italie, et le risque de contagion dans d'autres, hésitant entre la panique face «au péril de l'étranger» et le discours moralisateur sur la «misère du monde». Une image peu habituelle, il faut le souligner, tant l'Europe a toujours tenu à s'affirmer comme un acteur international de premier plan et tant elle a été amenée à se prononcer sur l'ensemble des questions du monde ainsi que sur la situation qui prévaut dans les différentes régions de la planète. C'est ce qui fait dire à une personnalité française, Christiane Taubira, ancienne garde des Sceaux, que l'Europe avait une «occasion d'exister, de retrouver son magistère éthique sur une scène internationale pleine de fracas où prospèrent la crânerie, l'ivresse de l'impunité, le désarroi». On ne peut pas pour autant occulter que derrière cet épisode de l'Aquarius, quelque peu surmédiatisé, il y a malheureusement encore des milliers de migrants clandestins qui affluent sur les côtes d'Espagne et d'ailleurs, souvent au péril de leur vie. Tout comme on ne peut ignorer les migrants syriens au Liban où ils représentent le tiers de la population, la Turquie avec ses 3 millions de réfugiés... Car, comme le souligne le secrétaire de la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, les migrations sont un problème mondial qui n'est pas spécifique à l'Europe. C'est au nom des valeurs de solidarité et de soutien qu'elle doit, au nom de ces valeurs qu'elle promeut, aider les pays confrontés au problème migratoire à y faire face. Car les migrations, outre qu'elles sont inévitables, sont, comme l'a souligné à juste titre le secrétaire général de l'ONU, Antionio Guterres, sont une nécessité. Et il est indispensable de les aborder dans un cadre de coopération internationale et une situation «gagnant-gagnant» pour tout le monde.