La numérisation de l'administration a été d'un apport hautement bénéfique pour le citoyen, mais aussi pour l'enseignement universitaire qui, bon gré, mal gré, s'en est saisi pour lancer une formation à distance, un master dans l'administration locale. L'introduction de ce diplôme à travers plusieurs universités nationales dès la rentrée 2016/2017 a connu un engouement manifeste. Les premières promotions sortiront sous peu, et c'est l'occasion d'évaluer cette formation à distance, son efficacité en tant que méthode d'apprentissage, mais surtout son coût. C'est dans cette perspective qu'une journée d'étude a été organisée récemment à l'université Abdelhamid Mehri (Constantine 2), laquelle, faut-il le préciser, ne dispense pas de master à distance. Cette formation a été prise en charge par l'université Frères Mentouri (UFMC). Mais qu'elle soit l'une ou l'autre université, l'important est que le débat autour du coût et de l'importance de la numérisation soit amorcé. Et c'est une véritable polémique qui s'en est suivie, dévoilant parfois des réticences, parfois de l'enthousiasme envers un procédé d'enseignement, lequel même s'il ne risque nullement de bousculer le cursus universitaire classique, marquera d'une manière indélébile l'enseignement supérieur. Pour la première promotion, l'université Mentouri a vu le dépôt de 1 200 candidatures. Après les sélections d'usage, conformément aux critères établis par la tutelle, 642 détenteurs de licence ont été intégrés à ce cursus. A l'issue, le taux de réussite pour le passage à la deuxième année est estimé à 75%. «Les universités algériennes qui se sont mises depuis les années 2000 à l'utilisation des services de la technologie de l'information et de la communication pour l'éducation (TICE) ont introduit une ouverture pour l'utilisation des formations ouvertes et à distance par voie électronique (e-learning). La formation à distance est aujourd'hui considérée comme un élément stratégique de développement des universités, non seulement par accroissement des effectifs, mais aussi et surtout par une pédagogie rénovée, adaptée aux réalités de la société actuelle, de plus en plus communicante par la voie numérique», explique le rectorat à ce sujet. Des critères drastiques Pour la rentrée universitaire 2017/2018, les inscrits sont au nombre de 500, car les critères de sélection, au demeurant drastiques, ne sont pas fortement dissuasifs. Le master à distance a ciblé les étudiants détenteurs d'une licence en droit, systèmes LMD et classique, ayant des connaissances de base en droit administratif, droit constitutionnel, activités locales et administratives, ainsi qu'en Fonction publique. «Cela touche plusieurs catégories professionnelles, il leur permet de gravir les échelons de la hiérarchie tout en restant actifs», est-il encore précisé. Ce sont d'ailleurs ces dispositions fortes accessibles qui font le succès du master à distance. La carte géographique des étudiants admis indique qu'ils sont issus de l'est, centre et sud du pays. Précisément de 16 wilayas, à savoir Oum El Bouaghi, Alger, Batna, Biskra, Blida, Bordj Bou Arréridj, Constantine, Ghardaïa, Guelma, Mila, M'Sila, Ouargla, Sétif, Skikda, Tébessa et Touggourt. Au préalable, l'étudiant doit être équipé d'un ordinateur et d'une connexion internet. Les cours sont mis en ligne sur la plateforme d'enseignement à distance de l'université. Les compléments de cours et les devoirs sont accessibles sur cette même plateforme. Selon toujours le vice-rectorat de l'université Mentouri, la charge de travail est fixée à 14 heures par semaine, avec trois regroupements par an au sein du campus central de l'UFMC. La présence des étudiants est obligatoire. Le staff qui assure cette formation à distance est composé de 14 enseignants-encadreurs, 16 tuteurs qui sont d'abord des enseignants spécialisés dans les modules mis à la disposition des apprenants, 4 responsables techniques, 1 ingénieur E-learning, 1 responsable de la plateforme, 2 assistants techniques et 4 concepteurs des cours normalisés E-learning. L'évaluation des apprenants sur la plateforme est effectuée selon un barème qui prend en compte plusieurs paramètres. Ainsi, nous est-il détaillé, ladite évaluation comprend les activités qui sont la lecture ou le parcours de la leçon et des ressources mis à la disposition des apprenants. L'accomplissement de cette tâche est vérifiable au niveau de la plateforme, elle est notée sur 6, le devoir en ligne est noté sur 8, le forum et chat noté sur 6, selon des critères bien déterminés, à savoir la présence au chat et forum (1pt), l'interaction (2pts), la qualité de l'interaction (3pts) et, enfin, l'évaluation en présentiel qui équivaut à 50% de la note globale. Des avantages et quelques couacs Lors de la journée d'étude, le tableau dressé par deux enseignantes, Djamila Harkati et Hanane Belmerabet, a mis en avant les avantages d'un tel procédé qui est un tremplin pour différentes catégories, dont les fonctionnaires et les personnes aux besoins spécifiques ou à mobilité réduite. Des arguments imparables ont été développés. Comme toute médaille a son revers, quelques griefs sont venus écorner la formation à distance. Ce type d'enseignement engendre très souvent un sentiment d'isolement chez l'apprenant, ont souligné les deux communicantes. Peut-on y remédier ? Deux solutions sont proposées pour l'atténuer. Il s'agit de l'insertion d'activités basées sur la communication avec les pairs et les tuteurs, qu'elles soient synchrones (chat) ou asynchrones (forum). Là encore un couac est relevé, relatif à la première solution, qui a été très difficile à mettre en place au regard du nombre important des apprenants, le faible nombre de tuteurs (4 par module) et les disponibilités des uns et des autres, a-t-on reconnu. La seconde solution est relative à la création d'activités pédagogiques nouvelles pour les apprenants, en insérant à titre d'exemple le travail collaboratif sous forme de wiki (un wiki est une application web qui permet la création, la modification et l'illustration collaboratives de pages à l'intérieur d'un site web), ou la création de cartes heuristiques, soit un schéma qui permet de mettre en lumière les liens qui existent entre un concept ou une idée et les informations qui leur sont associées. La mise en ligne des cours sous forme de vidéo, faisable en apparence, bute en réalité sur un problème de taille en raison du refus de certains enseignants d'y apparaître. Est-ce pour autant des paramètres perturbateurs du cursus en question ? Evidemment non, rassure le staff formateur, affirmant que «la numérisation de l'université n'est pas une vue de l'esprit, c'est une réalité à laquelle est incluse la formation à distance». Qui paye la facture ? Or, il réside un point qui cristallise les passions et divise la communauté universitaire. Celui des frais de la formation. Il est ainsi révélé que chaque étudiant doit s'acquitter de 20 000 dinars pour chaque année du cursus. Une contribution financière qui a créé une controverse, puisque certains se sont interrogés sur son aspect «payant» jugé inéquitable. A l'image d'un recteur qui a fait le parallèle avec le cursus «classique» empreint de gratuité. Et d'ajouter que c'est un dispositif mis en place à la hâte, raison pour laquelle il a refusé de l'abriter au sein de son institution. Par une simple opération arithmétique, il renseigne sur le montant non négligeable engrangé par l'université formatrice. «Une partie de ces finances est versée aux enseignants impliqués dans ce cursus, et cet enseignement nécessite des frais pour sa transmission», a expliqué l'une des enseignantes. Interrogée, Nadia Ykhlef, vice-rectrice chargée des relations extérieures à l'université Mentouri apportera des précisions pour lever le voile sur quelques malentendus : «A son lancement, chaque année du master à distance revenait à 10 000 DA. Le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, estimant que cette contribution est loin de couvrir l'ensemble des frais engagés, a jugé utile de la revoir à la hausse. Actuellement, la formation revient à 40 000 DA. Si l'étudiant est recalé, il doit, de nouveau, s'acquitter de ces mêmes frais.» Et de confirmer «la rémunération des enseignants impliqués dans ce processus, selon leur grade et le volume horaire investi en la matière. A priori, le master à distance peut s'apparenter à une source de financement pour les universités qui l'ont adopté». A reconnaître toutefois que les avantages de cette formation, quand bien même elle a un coût, ne sont pas évalués sous l'angle pécuniaire. «Elle nous permet d'obtenir un diplôme qui nous ouvre les voies d'une promotion certaine, sans se déplacer, ni négliger notre travail, et cette praticité n'a pas de prix», s'accordent à répondre plusieurs apprenants, interrogés en ligne à cet effet.