A la faveur des copieuses pluies qui arrosent par intermittence la wilaya de Biskra depuis le mois de septembre dernier, les vastes étendues steppiques et les zones de parcours pastoraux connaissent une régénérescence de leur tapis végétal, les cours d'eau et les oueds coulent de nouveau et les barrages de Foum El Gherza et de la Fontaine des gazelles enregistrent des taux de remplissage appréciables. En contrebas de Djebel Boumenguouch, la plaine de Dar Arrous, d'habitude ocre et poussiéreuse, a pris en quelques semaines les couleurs d'une verte et grasse prairie. A Ouled Djellel, Besbes, Ras El Miad, Chaïba, Leghrouss, Zeribet El Oued, Sidi Okba, Saâda, Haouch, Tolga, Selgua et Loutaya, des lieux où s'exprime pleinement la vocation agro-pastorale de la wilaya de Biskra, cette manne du ciel, attendue depuis des lustres, met du baume au cœur des agriculteurs et des quelque 7 000 éleveurs, officiellement recensés dans la wilaya, et leur fait miroiter une année faste pour leurs cheptels et leurs exploitations agricoles. Aux côtés de la phoeniciculture et de l'agriculture en général, l'élevage ovin constitue une activité traditionnellement florissante qui bénéficie du soutien de l'Etat. Rappelons que 3 millions de quintaux d'orge pour couvrir les besoins en nourriture d'appoint pour le bétail ont été importés en 2008. Un concours du meilleur bélier et de la meilleure brebis, qui a connu un franc succès, a été organisé par la commune de Ouled Djellal, en coopération avec la direction du tourisme dans le but de promouvoir la race ovine « Ouled Djellal », très appréciée par les consommateurs nationaux et les Tunisiens qui en recevraient via Tébessa. Selon les chiffres officiels, la wilaya de Biskra compte actuellement environ 800 000 têtes d'ovins, 195 000 caprins, presque 4 000 bovins, 2 300 têtes de la race cameline et 285 autres d'équins (aucun chiffre n'a pu être trouvé concernant le nombre de têtes de la race asine). « Qui possède un palmier et une brebis, contre la misère et faim, sera toujours prémuni ». Reprenant sentencieusement un adage de la sagesse populaire, un fellah éleveur d'ovins de Oumache revient sur son métier, et dira : « Entretenir un troupeau et une palmeraie n'est pas une sinécure. Loin s'en faut ». Heureux de voir que le ciel est encore chargé de nuages opulents et qu'une énième ondée se prépare, il revient sur les années de crise qui ont connu, selon lui, leur acmé durant l'été 2008. « La viande ovine a chuté à 400 DA le kilo, tandis qu'une brebis était bradée à 3 000 DA et un Fhal (bélier reproducteur) à 5 000 DA. Les pâturages étaient rasés et épuisés ; les coopératives étatiques vendant le quintal d'orge à 1 550 DA annonçaient perpétuellement des ruptures de stocks, tandis que chez les revendeurs privés, cette denrée vitale était disponible à 2 500 DA », raconte-t-il sans ambages. Pour le moment, les éleveurs soufflent un peu. La pluie leur permet d'entrevoir l'avenir avec plus de sérénité que les années passées. Rassérénés par l'abondance d'herbe, ils s'occupent à reconstituer leurs troupeaux « décimés par des années de sécheresse et de disette » et par le dernier Aïd El Adha, à l'occasion duquel 60 % des familles de Biskra auraient sacrifié un animal. Le président de la Chambre agricole de Biskra, A. Benbouzid, prône la modernisation des bergeries et des abris à bestiaux et la sensibilisation des éleveurs à assurer leurs cheptels contre les catastrophes naturelles. Contre la contrebande et l'exportation illégale des moutons, il pense que la mise en place d'un système d'identification de chaque animal afin d'en déterminer l'origine, le parcours et le suivi vétérinaire sont une bonne solution. Enfin, Il appelle les éleveurs à faire preuve de vigilance face aux dangers induits par un excès d'humidité et l'apparition de mares propices au développement d'insectes parasites, vecteurs de maladies mortelles pour les ovins, et à poursuivre le travail de sélection et de développement de la race Ouled Djellel.