En déclarant que sans l'intervention de l'Etat, les retraités n'auraient pas pu être payés les deux derniers mois, le ministre du Travail et de l'Emploi reconnaît l'impasse financière dans laquelle se trouve la Caisse nationale des retraites (CNR). Expliquant la situation par une «tendance mondiale» marquée par une conjoncture économique difficile, l'évolution démographique et l'accroissement de l'espérance de vie, le directeur général de la Sécurité sociale au ministère du Travail, Djaouad Bourkaib, a affirmé que face au déficit de cette branche, l'Etat a mis en place «la subvention d'équilibre exceptionnelle». Le ministre du Travail, de l'Emploi et de la Sécurité sociale, Mourad Zemali, n'a pas pris de gants pour évoquer les déséquilibres affectant la Caisse nationale des retraites (CNR). Intervenant lors d'une conférence de presse en marge de la cérémonie de clôture du «Programme de coopération Sud-Sud pour les pays d'Afrique dans les domaines du dialogue social et de la Sécurité sociale», le ministre a affirmé que «sans l'intervention de l'Etat, qui a accordé 500 milliards de dinars à la Caisse nationale des retraites (CNR), les retraités n'auraient pas pu percevoir leur pension des deux derniers mois». M. Zemali a précisé que les dépenses de cette caisse sont estimées à 1200 milliards de dinars, alors que les cotisations ne dépassent pas les 600 milliards de dinars, soit un déficit de 50%. Le ministre déplore que l'évolution annuelle du taux des cotisations à la Sécurité sociale soit juste de 2%. Raison de ce déficit : la non-déclaration ou la sous-déclaration des employés par leurs employeurs. Si toutes les branches de la Sécurité sociale sont actuellement en «équilibre», celle de la retraite connaît des «difficultés» financières, comme l'a a reconnu le directeur général de la Sécurité sociale au ministère du Travail, Djaouad Bourkaib. Expliquant cette situation par une «tendance mondiale» marquée par une conjoncture économique difficile, l'évolution démographique et l'accroissement de l'espérance de vie, M. Bourkaib, cité par l'APS, a affirmé que face au déficit de cette branche, l'Etat a mis en place «la subvention d'équilibre exceptionnelle» et la contribution de solidarité prélevée à hauteur de 1% sur les opérations d'importation de marchandises. Il a précisé dans ce sillage que c'est «la première fois que la branche retraite bénéficie d'une subvention-équilibre pour 2018 de l'ordre de 500 milliards de dinars». Le nombre actuel d'actifs immatriculés au niveau de la CNAS est de plus de 6 millions, alors qu'ils sont plus de 12,5 millions d'assurés sociaux, dont les inactifs (étudiants, retraités…) auxquels s'ajoutent les ayants droit des assurés, donnant lieu à une couverture totale de plus de 37 millions de personnes. Le ministère du Travail explique le déficit actuel de la CNR par les dépenses «absorbées» par les départs en retraite avant l'âge légal de 60 ans, qui se sont accélérés ces dernières années, «ce qui représente 80% du déficit, soit 400 milliards de dinars», précise à El Watan une source au ministère du Travail. «Les départs à la retraite avant l'âge ont gravement creusé le déficit de la CNR. Ces départs se situaient entre 52 et 53 ans. Fait étonnant, les retraités rejoignent d'autres emplois et ne cotisent même pas. Il y a de plus en plus de dépenses sans les recettes nécessaires. Le ratio actuel est de 1 cotisant pour un retraité, alors que le ratio normal doit être de 1 cotisant pour cinq retraités», détaille notre source. Mauvaise gestion et difficulté de réformer Plus critique, une source à la CNR indique que les pouvoirs publics ont «mal géré» les caisses de sécurité sociale, malgré le principe de solidarité inter-caisses «imposé à la CNAS, qui sera déficitaire à terme», si le secteur actuel n'est pas réformé. «L'Etat est lui-même mauvais payeur, la CNAS est défaillante et il y a des cotisations, se chiffrant à plusieurs milliards, qui sont impayées. Où sont les quotes-parts de l'Etat ? Où est l'argent des cotisants, censés aller», s'interroge-t-il, en s'offusquant de la représentation syndicale «insensée» dans les conseils d'administration des caisses (CNAS, CNR...). Pour le responsable, l'Etat a «cassé» le système de sécurité sociale «en en faisant une caisse noire». «Il n'y a qu'à voir la décision de faire indemniser les victimes d'Octobre. C'est l'une des erreurs fatales. Il y a par ailleurs tous les problèmes économiques qui ne permettent pas la création d'emplois. Par conséquent, il y a moins de cotisants et des problèmes pour la CNR. Il y a le problème épineux des salaires ; avec les salaires bas, et donc là aussi une cotisation moindre», constate-t-il. Pour le ministre du Travail, il y a «urgence» d'instaurer «une culture de cotisation en luttant contre la non-déclaration et la sous-déclaration». «Le problème de la CNR est structurel. Le système tel qu'il fonctionne actuellement permet d'ouvrir droit à la retraite après 15 de travail. L'Etat peut difficilement réformer. Il a fallu un tour de force pour faire passer la loi sur la retraite. Les critiques obéissent à des considérations plus politiques», déplore notre source.