Coup de théâtre, hier, en Afrique du Sud, où la justice a relancé de fort belle manière, car inattendue, la crise politique en Afrique, en pratiquement réhabilitant le président Thabo Mbeki, contraint à la démission par son propre parti, dont s'est emparé le charismatique Jacob Zuma, qui voit, quant à lui, son affaire relancée. Plus clairement, la Cour suprême d'appel sud-africaine a ouvert, hier, la voie à une reprise des poursuites pour corruption contre le chef de l'ANC (African national congress) et favori à la prochaine présidentielle Jacob Zuma, en annulant une décision de première instance qui avait invalidé la procédure. Le 12 septembre, un juge de Pietermaritzburg (sud) avait invalidé les poursuites contre le chef du Congrès national africain (ANC) pour des raisons de forme. Le vice-président de la Cour suprême d'appel, Louis Helms, a estimé que les motifs du juge n'étaient pas valides et donné raison au parquet général qui avait introduit l'appel. Cette décision place de nouveau M. Zuma dans le collimateur de la justice à quelques mois des élections générales, dont il doit mener campagne pour l'ANC. Mais en guise de réponse, le parti a affirmé que Jacob Zuma restait son candidat à la présidence pour les élections générales. « L'ANC confirme sa position et réitère que le jugement n'affectera pas sa décision : Zuma sera le candidat à la présidence de l'ANC, lors des élections de 2009 », écrit le parti dans un communiqué. « L'ANC n'acceptera pas qu'une décision prise démocratiquement par les membres de l'ANC, lors d'une conférence nationale, soit renversée sur la base d'accusations non vérifiées », ajoute la formation. Plus que cela et dans le même temps, l'instance judiciaire sud-africaine a estimé qu'un juge de première instance avait « outrepassé » sa compétence en accusant l'ex-président,Thabo Mbeki, de s'être ingéré dans les poursuites pour corruption de son rival Jacob Zuma. Dans ses attendus, le juge de première instance avait évoqué des interférences du gouvernement dans le dossier, ce qui avait conduit l'ANC à ordonner à Thabo Mbeki de démissionner de la présidence sud-africaine. Or, selon la Cour suprême d'appel de Bloemfontein (centre), la question d'une éventuelle interférence politique « n'est pas une question de droit, mais purement une question politique ». « Les juges ont le droit d'avoir des opinions sur certaines questions (...), mais ils n'ont pas le droit d'insérer leurs opinions politiques dans leur jugement », a poursuivi le vice-président de la cour, Louis Harms. En conséquence, « le juge a outrepassé les limites de son autorité, son jugement était hors de propos » et pourrait « servir de dangereux précédent », a-t-il ajouté. De plus, selon Louis Harms, les attendus sur Thabo Mbeki « n'étaient pas basés sur des preuves ou des accusations. Ils s'inscrivent dans une théorie de la conspiration portée par le juge lui-même ». Il est vrai que le pays est dirigé par un président qui a succédé à Thabo Mbeki, mais les prochaines élections générales devraient, justement, permettre le renouvellement du Parlement, lequel à son tour, élira le chef de l'Etat. En intervenant de cette manière, la justice sud-africaine bouleverse tous les plans de l'ANC, perturbé jusque dans sa campagne électorale lancée samedi dernier. Le nouveau parti, COPE, formé de dissidents de l'ANC, devrait en bénéficier. Normalement du moins, car on disait de l'ANC qu'il était usé par le pouvoir et que seul Jacob Zuma pouvait redresser la barre, et lui éviter son premier échec électoral depuis 1994.