Les Sud-Africains n'ont pas encore mis fin au malaise qui secoue leur classe politique. Il n'est pas prêt de se dissiper et avec lui tous les malentendus, rivalités de désaccords qui ont provoqué des fractures au sein de la société, avec une population qui vit dans une incroyable détresse et qui ne croit plus aux discours. Ou encore les élites qui s'interrogent sur le coup de force de l' African national congress (ANC) qui a contraint à la démission le président Thabo Mbeki, aussitôt suivi par l'essentiel de son cabinet. Face à toutes ces interrogations, le président de l'ANC, Jacob Zuma, à l'origine de la chute de Mbeki, a pris les devants en assurant que les luttes contre la pauvreté et la criminalité seraient la priorité de la nouvelle équipe au gouvernement d'ici aux élections de 2009. L'Afrique du Sud sort « d'une des semaines les plus décisives de son histoire », a relevé le président du Congrès national africain (ANC) devant des militants du Parti communiste sud-africain (SACP) à Randburg, près de Johannesburg. Revenant sur la démission forcée du président Thabo Mbeki et son remplacement par le modéré Kgalema Motlanthe, Jacob Zuma a assuré que la transition « avait prouvé que l'Afrique du Sud était un pays démocratique stable ».« Maintenant, nous pouvons nous concentrer sur le soutien à apporter au gouvernement dans la lutte contre la pauvreté, la criminalité et la distribution des services de base à la population », a-t-il dit. Et de lancer : « A l'approche des élections, nous devons être clairs sur nos objectifs stratégiques. La création d'emplois décents doit être la priorité de nos politiques économiques », a souligné Jacob Zuma. « Nous voulons mettre l'accent sur la création d'emplois, parce que de nombreuses familles ont accès à des aides sociales, mais restent coincées dans la pauvreté. » « Nous voulons également accélérer la réforme agraire », qui vise à corriger les inégalités dans la distribution des terres héritées du régime ségrégationniste, a-t-il poursuivi. « Et nous n'allons pas permettre à la criminalité de nous empêcher de nous concentrer sur la lutte contre la pauvreté », a-t-il martelé, en appelant à la relance « des comités de quartiers » pour lutter contre ce fléau, qui cause plus de 50 homicides par jour dans le pays. La santé, et notamment la prévention et le traitement du sida, est aussi l'une des priorités énoncées tout comme l'amélioration du système scolaire. Quatorze ans après la chute de l'apartheid, 43% des Sud-Africains vivent toujours avec moins de deux dollars par jour. Leur exaspération a alimenté la désaffection croissante d'une partie de la population envers le président Mbeki et, à l'inverse, l'ascension au sein de l'ANC de Jacob Zuma, considéré comme plus ouvert aux problèmes des pauvres. Jacob Zuma se contente de ces promesses, sans dire de quelle manière et avec quels moyens il compte les concrétiser. Le 20 septembre, le parti au pouvoir depuis 1994, l'ANC, a lancé une bombe politique qui a secoué la jeune démocratie en ordonnant au président Mbeki de démissionner. Le chef de l'Etat n'a pas envenimé la situation et s'est plié immédiatement à la décision par « loyauté » envers le parti. Mais son départ a ouvert une période de grande incertitude. L'inquiétude a atteint son paroxysme mardi, quand la présidence a annoncé la démission d'un tiers du gouvernement, dont celle du ministre des Finances, Trevor Manuel, considéré comme l'artisan de la croissance soutenue de la première puissance économique du continent. Immédiatement, la Bourse de Johannesburg et la devise nationale, le rand, chutaient. Jusqu'à une mise au point du ministre, qui a expliqué que sa démission était formelle et qu'il restait disponible pour le nouveau gouvernement. « Il n'y a pas de raisons de paniquer », martelait en boucle Jacob Zuma. Autre nuage à l'horizon, Thabo Mbeki a rapidement quitté son poste, mais il a riposté sur le terrain judiciaire. Dès lundi, il introduisait un recours devant la Cour constitutionnelle contre les attendus du jugement le mettant en cause. Jacob Zuma a fait savoir qu'il s'opposerait à ce recours, ce qui promet un nouveau duel devant les juges. Et, remarque le Saturday Star, « les conséquences d'une victoire potentielle de Mbeki pourrait être catastrophiques pour la hiérarchie qui l'a mis dehors ». Cela ne risque pas cependant d'intéresser tous les laissés-pour-compte. Et ils sont de plus en plus nombreux à revendiquer plus de justice.