La Caisse nationale des retraites (CNR) connaît d'«énormes difficultés» financières. C'est l'aveu de Slimane Melouka, directeur général de la CNR, lors de son passage hier dans l'émission «L'invité de la rédaction» de la Chaîne 3 de la Radio algérienne. Il a précisé que les cotisations des travailleurs ne suffisent plus à payer les pensions de retraite : «Il faudrait 5 cotisants pour un retraité. Aujourd'hui, on est dans une situation où seulement 2 travailleurs cotisent pour un retraité, ça reste nettement insuffisant.» Les chiffres sont accablants. Le moment est venu de tirer la sonnette d'alarme. Mais la question des retraites est délicate à traiter par le gouvernement dans un contexte de mécontentement social et politique très fort. En 2010, la dépense en matière de retraite tournait autour de 350 milliards de dinars pour une recette de l'ordre de 370 milliards. La CNR est passée en 2012, grâce aux augmentations salariales de l'époque, à une recette de 650 milliards de dinars pour une dépense d'à peine 600 milliards. Par contre, aujourd'hui, elle se retrouve avec une situation où les recettes atteignent 700 milliards de dinars en droits contributifs et en aide de l'Etat, pour une dépense qui dépassera les 1200 milliards à fin 2018. Le déficit s'est nettement accru. La CNR verse des pensions directes et indirectes à 3,2 millions de retraités, sur une population globale de 42 millions d'Algériens. Si M. Melouka impute cette situation inquiétante «aux départs massifs de travailleurs en retraite anticipée, au nombre d'un million, qui sont partis avant l'âge légal (60 ans), particulièrement dans les années 2014 et 2015», il ne peut occulter un autre facteur : le recul économique de l'Algérie. Ce n'est pas encore la grande crise sociale, mais elle avance à grands pas. Plus de 175 000 postes d'emploi ont été perdus en Algérie suite à la crise économique à laquelle est confronté le pays depuis quelques années. Parmi les secteurs d'activité les plus brutalement frappés par la crise, le bâtiment, les travaux publics et celui de l'hydraulique (BTPH) qui a, à lui seul, perdu 91 000 postes de travail. Cette situation, selon M. Melouka, a nécessité l'intervention de l'Etat qui a injecté dans la CNR «500 milliards de dinars» en 2018, qui s'ajoutent à un apport annuel régulier de l'Etat d'environ 15% des dépenses. La suppression du dispositif de départ anticipé en retraite et le taux de 1% surajouté à la branche retraite en 2015, qui a permis un apport de 30 milliards de dinars supplémentaires par an, ont aidé la CNR à surmonter ses difficultés et à continuer à assurer le paiement des pensions. Toutefois, M. Melouka ne veut pas faire dans la nuance : «Une réforme du système de retraite s'impose. Un système mis en place il y a 35 ans a forcément ses limites.» Dans une conjoncture marquée par une crise économique, conséquence de la chute des prix des hydrocarbures, nécessitant une rationalisation des dépenses publiques, l'Etat algérien a été contraint de suspendre le départ à la retraite sans condition d'âge. En effet, il n'était plus possible de continuer à maintenir cette disposition sous peine de porter préjudice aux équilibres financiers de la CNR.