Ils seraient plus d'un million de foyers à vivre sous le seuil de pauvreté et nécessitant une aide directe de l'Etat. C'est ce qu'a dévoilé une étude réalisée par des chercheurs du Centre de recherche en économie appliquée pour le développement (Cread) à la demande du Programme alimentaire mondial (PAM) dévoilée ce lundi. D'après cette profonde étude, au rythme où vont les choses, l'Algérie est dans une impasse quant à la pauvreté de ses habitants et la garantie d'une sécurité alimentaire pour les années à venir, notamment avec la croissance démographique assez inquiétante. En effet, d'après des données collectées dans 40 wilayas, les poches de pauvreté comptabiliseraient quelque 1 256 165 ménages démunis. En prenant en considération le taux d'occupation du logement (TOL) estimé à 5, la pauvreté touche aujourd'hui près de 7 millions d'Algériens. Des experts considèrent que ce chiffre est bien loin de la réalité et que le nombre de pauvres en Algérie dépasserait largement les 10 millions de personnes. Dans ce sens, la Banque mondiale avait même estimé que 10% des Algériens pourraient retomber dans la pauvreté d'ici l'année prochaine. Présentant l'étude de son département, Amel Bouzid, directrice de la division «agriculture et environnement» au Cread, explique que cette frange de la société est mal et sous-alimentée. «Vu les prix élevés des viandes et des fruits et légumes, l'accès de ces foyers aux produits alimentaires est très restreint et leur ration alimentaire reste de mauvaise qualité et complètement déséquilibrée. Le résultat de cette mauvaise alimentation est handicapant pour la santé du citoyen, qui connaîtra des pathologies assez lourdes, telles que les maladies cardiovasculaires ou le diabète. Ce qui engendre également d'importants frais pour la trésorerie de l'Etat», explique-t-elle. Cette riche étude cite les efforts fournis par l'Etat afin de rendre les denrées alimentaires plus accessibles. Parmi les actions entreprises, l'étude cite les subventions publiques, mais relève un triple effet négatif. Il s'agit en fait de la pénalisation de la production nationale poussant le consommateur au gaspillage de produits alimentaires dont le prix d'achat ne prend pas en considération le coût réel de production. «Le pire dans ce type de mécanismes est qu'ils profitent plus aux franges bourgeoises de la société qu'aux plus démunis. Ils creusent encore plus les écarts dans la société. En plus de ces deux effets, les subventions publiques pompent des budgets colossaux du Trésor public alimenté des revenus des exportations d'hydrocarbures, en zone de turbulences depuis quelques années déjà. En plus d'affaiblir la trésorerie publique, ces subventions freinent les capacités d'investissement et les volontés de diversification de l'économie», ajoute Mme Bouzid, qui a insisté sur un point tout aussi important : la sécurité alimentaire. Sur ce point, l'étude du Cread estime que les effort fournis pour le développement de l'agriculture sont certes louables, mais restent insuffisants pour sortir le pays de la fragilité, voire de l'impasse en matière de disponibilité des produits agricoles pour les prochaines années. Modèle agricole dépassé «Malgré les efforts consentis, le marché algérien reste jusqu'à aujourd'hui fortement dépendant des importations qui apportent une sécurité alimentaire et nutritionnelle momentanée et non durable. Les bilans du secteur agricole affichent certes une croissance des récoltes, mais restent insuffisants, notamment pour les produits de base tels que les blés, les légumineuses et le lait. Combler le déficit par les importations est loin d'être la solution pour le long terme», indique Mme Bouzid, qui explique qu'il s'agit ici d'un problème structurel auquel il faut vite remédier afin de subvenir aux besoins de la population qui connaît une croissance démographique effrayante. Pour elle, la reprise de la croissance démographique et de l'amélioration induisant une hausse des volumes des importations ou une hausse des prix en cas de pénuries qui sont récurrentes. Pour la cheffe de la division «agriculture et environnement» au Cread, l'Algérie n'a plus le loisir de rester sur le même modèle d'agriculture et de recourir aux mêmes solutions temporaires. La raison, selon ses propos, est l'instabilité des prix à l'international et de la valeur du dinar ainsi que les effets des changements climatiques et leur incidence directe sur la pluviométrie, source principale d'irrigation des terres agricoles. Ne pas agir rapidement et efficacement serait un risque très grave. Même pour la sécurité sanitaire des aliments, l'Etat devrait revoir le dispositif mis en place dans ce sens, étant donné qu'il reste très faible par rapport aux objectifs escomptés. Signalons que cette longue étude du Cread s'est penchée sur plusieurs axes dont la disponibilité des aliments et les facteurs d'influence, les chances d'accessibilité aux produits alimentaires, leur utilisation ainsi que la durabilité de la sécurité alimentaire.