Le programme EbsoMed a été lancé jeudi dernier dans l'objectif de renforcer les organisations de soutien aux entreprises et le réseautage d'affaires dans les pays du voisinage méditerranéen. Cawtar fait partie des différents partenaires. Au-delà des chiffres sur les femmes travailleuses, quelle est la réalité, aujourd'hui, dans le monde arabe ? Seulement 25% de femmes sont actives dans le monde arabe. C'est-à-dire qu'une femme sur quatre travaille. Et ces travailleuses ne sont généralement pas à des postes de responsabilités ou de décision dans tout le monde arabe. Le problème ne concerne évidemment pas des textes réglementaires, car je ne suis pas persuadée que les textes interdisent aux femmes d'être à des postes de responsabilité ou de décision. L'obstacle vient de trois facteurs. Premièrement, c'est particulièrement les textes de la vie privée qui freinent ces femmes et surtout pas ceux du secteur économique. Exemple : une femme qui n'a pas le droit de circuler sans l'autorisation de son mari ne peut donc rien faire dans le secteur économique. Même obstacle pour une femmes d'affaires qui ne peut pas voyager ou obtenir un passeport sans l'avis de son mari ou de son entourage familial. Les textes qui existent aujourd'hui sur le plan de la vie privée sont discriminatoires. Puis vient le deuxième obstacle : les mentalités de notre société. Les femmes nous avons interviewées lors de nos enquêtes depuis 2015 disent qu'elles ne sont pas prises au sérieux même si elles tiennent un discours cohérent et intéressant. Quand une femme parle dans un milieu d'hommes, sa voix n'est malheureusement pas perçue à sa juste valeur. L'enquête établie par Cawtar fait ressortir un constat selon lequel il y a bel et bien un manque de structures d'appui pour ces femmes. D'où d'ailleurs notre important intérêt pour le partenariat EbsoMed. Nous devons être aujourd'hui visibles pour que toutes les femmes du monde arabe soient prises en compte dans les perspectives d'avenir. Mais aussi, dans tous les pays de Maghreb, il faut réfléchir à l'encadrement d'institutions de support qui est encore malheureusement très faible de nos jours. Nous avons besoin de le renforcer. Jusqu'à aujourd'hui, nous constatons le manque de sérieux, les structures de financement et d'autres facteurs qui font que ces structures d'appui restent inefficaces. Avec EbsoMed, nous avons une belle opportunité. Ainsi, il faut simplement les mettre en confiance. Les femmes donneront plus. Car la règle est claire : mettez un élève dans une bonne école, il sera un bon élève. Pourquoi tous ceux qui étudient à Harvard, par exemple, réussissent ? On aimerait que les institutions de soutien soient toutes des Harvard ! Nous souhaiterions que les centre d'appui deviennent de très bons encadrements. Quels résultats attendiez-vous d'EbsoMed ? Le cadre institutionnel qui existe doit être évalué et être aussi renforcé dans le monde arabe. Il faut faire des efforts pour rendre visibles les besoins des femmes dans le monde arabe, puis répondre à cette demande sur le plan international. Quels sont aujourd'hui les besoins ? Ce qu'il est important de signaler, c'est que dans nos pays respectifs, on offre des formations mais on fabrique en même temps des chômeurs, ce qui nous amène à dire qu'il y a de sérieux problèmes. La finalité de ce projet aussi est d'échanger les expériences. Ce qui se fait bien ici ne réussira pas forcément ailleurs. Echanger les bonnes pratiques c'est aussi notre objectif. L'idée de ce réseau est d'avoir de vraies partenaires. Des opportunités de rencontre s'offriront à nous pour construire quelque chose dans la région. Car chez nous, l'expertise n'est pas exploitée. Ce que nous voulons, à travers ce projet EbsoMed, c'est que le cadre entrepreneurial devienne un acteur, pas un consommateur ou un usager. Dans tout le monde arabe, pensez- vous que des pays doivent faire plus d'efforts que d'autres ? L'Algérie, jusqu'à maintenant et pendant une longue durée, été épargnée grâce à sa rente pétrolière. Elle avait des garanties. Mais attention à ne pas confondre, ce n'est pas une assurance vie car malgré cette rente, c'est un pays qui a fabriqué des chômeurs. Malgré la rente, il y a beaucoup de chômeurs. C'est inadmissible. Il faut donc faire des efforts. Il faut diversifier et l'entrepreneuriat est en train de prendre la place de la Fonction publique.
L'EbsoMed en bref :
* 1- EbsoMed — pour Enhancing Business Support Organisations and Business Networks in the Southern Neighbourhood — est un projet de 4 ans cofinancé par l'Union européenne, coordonné par l'Union méditerranéenne des confédérations d'entreprises BusinessMed et mis en œuvre par un consortium composé de cinq autres partenaires, dont Anima Investment Network ; Gagic (Chambre de commerce germano-arabe) et Cawtar Et comme c'est l'Algérie qui détient la présidence de BusinessMed, Saïda Neghza, qui est aussi la présidente de la Confédération générale des entreprises algériennes (CGEA), annonce la couleur : «Des efforts seront fournis pour faire bénéficier les PME algériennes.» * 2-Un budget de 6,25 millions d'euros est alloué pour ce projet. C'est un programme qui permettra de renforcer la capacité managériale et l'efficacité des «organisations de support aux entreprises» (OSE), en particulier en appuyant le processus d'internationalisation des PME à travers des actions de formation ciblées permettant d'améliorer la qualité de services de ces OSE. * 3- Le projet EbsoMed vise spécifiquement les organisations de support aux entreprises de 10 ays bénéficiaires du Bassin sud-méditerranéen ainsi que leurs homologues en Europe en ciblant particulièrement les confédérations d'employeurs, les agences de promotion des investissements, les Chambres de commerce européennes, méditerranéennes et arabes, les organisations qui soutiennent l'entrepreneuriat des femmes et des jeunes. * 4- Le premier objectif est de redynamiser les organisations de support aux entreprises et le réseautage d'affaires dans les pays du voisinage sud de la Méditerranée, telle est l'ambition de du projet EbsoMed. Il vise à promouvoir des sources alternatives de financement pour les PME, les aidant ainsi à accéder à des mesures de financement spécifiques telles que des systèmes de garantie du crédit, des financements par les établissements non bancaires, comme par exemple les microfinances, le crédit-bail, l'affacturage…