Au brouillard qui couvre la phase politique pré-présidentielle s'ajoutent les tensions qui régulent les rapports tumultueux entre les factions au pouvoir. A quelques mois seulement de l'élection présidentielle qui devrait avoir lieu en avril 2019, la classe politique dans son ensemble – pouvoir et opposition – semble être gagnée de plus en plus par un doute paralysant. Le flou est total et rend la visibilité quasi nulle. L'opposition politique dans ses différentes obédiences peine toujours à briser la chape de plomb qui pèse sur elle. Dispersée malgré les tentatives d'«alliance large», elle n'arrive pas à percer le mystère qui entoure le rendez-vous présidentiel, et encore moins à se mettre en ordre de bataille pour «forcer» le destin. Prudente, échaudée par les expériences récentes, elle est confinée à un quasi- «silence» et évite avec précaution de se prononcer sur l'échéance présidentielle. Aucun prétendant sérieux ne prend le risque de se lancer dans l'arène. En face, la situation n'est pas non plus resplendissante. La confusion ne cesse de prendre de l'ampleur, rendant ainsi difficile toute possibilité de sortie par le haut. Inextricable. La campagne pour un 5e mandat pour Abdelaziz Bouteflika lancée précocement et surtout maladroitement n'est pas parvenue à produire l'effet attendu. Au lieu d'entraîner un mouvement dans l'opinion, elle suscite rejet et répulsion. Les partisans d'un autre mandat présidentiel pour l'actuel locataire d'El Mouradia étaient plus dans une surenchère, dans une compétition interne d'allégeance qu'à mettre en place une stratégie de reconquête. Les appels au président de la République pour «poursuivre sa mission» à la tête de l'Etat ont créé du désordre au sein de la famille politique au pouvoir. Ils montrent en réalité l'incapacité à s'entendre sur la marche à suivre, mais surtout à préparer les conditions nécessaires pour aborder sereinement l'élection présidentielle. Les partis de la coalition gouvernementale – caisse de résonance des tendances lourdes du régime – avancent à reculons. Les discours contradictoires du secrétaire général de l'ex-parti unique en est la parfaite illustration. Le cafouillage qui caractérise l'élaboration des politiques économiques et financières du gouvernement illustre également cet équilibre précaire des composantes du pouvoir. Méfiance et suspicion Et c'est dans un climat politique général, bloqué et embrouillé qu'intervient la scabreuse affaire de la cocaïne avec ses ramifications et ses implications sur les rapports de force entre les différents groupes influents dans le sérail. Si cette scandaleuse affaire révèle l'ampleur de la déliquescence des instituions de l'Etat, elle accentue les contradictions au sein d'un système gangrené par la corruption et le grand trafic. Aussi, met-elle au grand jour les rivalités violentes entre les différents acteurs politiques et militaires. Les propos tenus par Abdelghani Hamel qui ont précipité sa chute dévoilent toute la méfiance entre les pôles du pouvoir et mettent en évidence le degré de suspicion entre les principaux décideurs, notamment au sein des institutions sécuritaires. C'est dire toute la nervosité qui s'empare du sérail. Cet état d'esprit peu rassurant d'abord pour les tenants du pouvoir n'aide pas à trouver des arrangements politiques en vue d'aborder la présidentielle. Il n'est pas exclu que la gestion du scandale de la cocaïne servira également de prétexte pour des règlements de comptes internes. Une arme à couper les têtes. En l'espace d'une semaine, le patron de la police – un outsider – et ses hommes de confiance, le commandant de la Gendarmerie nationale et des généraux de l'état-major tombent. Et manifestement ce n'est pas fini. Qui va tirer son épingle du jeu de ce scandale qui porte le nom de Kamel Chikhi ? A qui va profiter «le crime» ? De quel côté le rapport de force va-t-il basculer et qui sortira gagnant ? D'évidence, les lignes ont bougé et manifestement cette affaire vient parasiter davantage l'élaboration des schémas probables pour 2019. Cette nouvelle donne, qui n'était pas du tout prévue, pourra fort probablement remettre en cause tous les scénarios en gestation. Et surtout introduire le doute à tous les niveaux de la République. Mais, elle sème surtout la peur chez toutes les «gardes rapprochées» qui redoutent une perte brutale des positions de pouvoir et d'intérêts acquis en raison de proximité avec le centre de décision. Cette ambiance délétère se superpose à une atmosphère nationale asphyxiante. Chaque jour qui passe ne fait que renforcer l'impasse. Le grand échec du 4e mandat réside aussi dans cette incapacité de ses partisans à assurer une succession politique sereine. De bout en bout, il aura été marqué par une tension permanente dans la maison du pouvoir. C'est symptomatique de la maladie générale du système.