À Ghardaïa, le spectre de la provocation, que nous pensions enterré, refait surface. Le parquet près le tribunal de cette ville exhume un vieux statut Facebook, daté du 25 janvier 2014, pour poursuivre un citoyen originaire des Aurès. Il demande à ce qu'il soit emprisonné pour deux années et qu'une amende de 100 000 dinars lui soit infligée. Quatre années et demie nous séparent de cette prise de parole que la justice exhibe, nonobstant le délai légal de prescription fixé à trois ans, pour appuyer des poursuites qui ne peuvent pas se prévaloir de la loi. Les anomalies qui entachent ce procès sont nombreuses et ne se limitent malheureusement pas à cette dérogation au délai de prescription. Elles s'étendent : * À une instruction menée exclusivement à charge, sans audition de l'incriminé. * Au non-respect des mesures conservatoires et préparatoires qui devait permettre de l'entendre (aucune convocation, aucun télégramme). * À une diffusion "initiée" de la commission rogatoire, envoyée par fax au seul Aéroport Mohamed Khider de Biskra par lequel devait voyager le mis en cause. * À des erreurs grotesques dans l'énoncé des articles de loi invoqués à l'appui des poursuites. Salim Yezza, c'est le nom du citoyen qui se trouve dans le collimateur de cette opération judiciaire, est natif de T'koukt dans les Aurès. Au début des années 2000, il a été délégué du mouvement Citoyen dans sa ville. À ce titre il a eu à connaître la répression et à subir l'injustice. Il est connu comme un militant humaniste et progressiste, engagé pour la défense des libertés et défenseur inconditionnel de l'Amazighité. Depuis 2011, il est établi en France où il continue son engagement dans le mouvement associatif. Il est poursuivi en conséquence du subit intérêt que le procureur près le tribunal de Ghardaïa a porté, le 9 avril 2018, à son compte Facebook. Pourtant, à cette date, la région a renoué avec le calme et les publications que le magistrat arbore en trophée sont sorties de la temporalité de l'action légale. Le procès engagé contre Salim Yezza, outre qu'il est un procès d'opinion juridiquement infondé, intrigue par l'opacité de ses finalités. Il intervient à un moment d'intenses tensions en hauts lieux. Un moment de luttes sourdes sur fond de Cocaïne Gate et de valse de responsables de tous rangs. Il s'apparente indubitablement à un coup de tison sur les braises encore fumantes des douloureux évènements qui ont endeuillé la vallée du Mzab. Comme c'est malheureusement la tradition depuis le sombre été 1962, le système aurait-il, encore une fois, besoin de fomenter des troubles pour se repositionner en arbitre/pivot d'une société dont il entretient les clivages et nourrit les lignes de fracture ? Né dans la violence, le système politique algérien se reproduit en elle et par elle, qu'elle soit matérielle ou symbolique. Le monolithisme factice qu'il s'emploie à imposer à une société riche d'une grande diversité culturelle ne peut se traduire que par le rejet de toute manifestation des différences, de toute aspiration à l'expression du droit à la différence. Car, contrairement à ce qui se donne à voir par les temps qui courent, la société mozabite, tout particulièrement, fait l'objet d'un acharnement qui mobilise aussi bien les institution militaires, sociales, scolaires, religieuses, qu'économique et ce depuis plusieurs décennies. C'est édifiés par les nombreuses expériences passées et attachés à la paix civile que nous citoyens, journalistes, intellectuels, appelons à la cessation immédiate des poursuites injustes engagées à l'encontre de Salim YEZZA. Nous condamnons son arrestation et exigeons sa libération. En outre, au moment où s'engagent les grandes recompositions en perspective de la prochaine présidentielle, nous appelons nos concitoyens à la plus grande vigilance. Nous mettons en garde contre le risque potentiel de multiplication de provocations qui viseraient à rééditer les douloureux évènements de Kabylie en 2001 ou de la vallée du Mzab en 2013-2014. Malheureusement, les apprentis sorciers du régime ne désarment pas et seuls l'intelligence, la vigilance et le sens patriotique le plus élevé peuvent déjouer leurs desseins. Liberté pour les détenus d'opinion ! À bas la répression et l'arbitraire ! Vive le combat pacifique pour une république démocratique et sociale. Premiers Signataires : Mohand Bakir, militant (France) Amar Ingrachen, Journaliste, éditeur (Alger-Boumerdès) Amar Laoufi, universitaire (Tizi-Ouzou) Karim Tabou, Président de l'UDS (Alger) Rabeh Sebaa, Sociologue, (Oran) Fatah Bouhmila, Enseignant, militant et membre du Café Littéraire d'Aokas (Béjaia) Hocine Boumedjane, LADDH (Béjaia) Hassan Moali, journaliste(Alger) Mahrez Bouich, Professeur à l'Université de Bejaia, et vice président de LADDH(Béjaia) Ahmed Rouadjia, Sociologue (Msila) Noël Boussaha journaliste rédacteur web (France) Fares Kader Affak, Initiateur du café littéraire le sous marin (Alger) Bachir Dahak, professeur de droit (France) Said Oussaid, journaliste-écrivain (Oran) Belkacem Boukherouf, économiste (Tizi-Ouzou) Kacem Soufghalem, Militant des Droits de l'Homme (Ghardaia) Abdesselam Ali-Rachedi, Ancien ministre, ancien député FFS (Alger) Moussa Nait Amara, militant politique (Béjaia) Soufiane Djilali, Présiudent de Jil Jadid Kamel Eddine Fekhar , Militant des droits de l'Homme, médecin (Ghardaia)