Il faut reconnaître ce grand «mérite» au laboratoire du pouvoir algérien qui a acquis un savoir-faire inégalé dans la fabrication in vitro des dirigeants qui président aux destinées de l'Algérie. Celui d'avoir réinventé les principes et les mécanismes de la compétition politique et de la représentation institutionnelle. Le sacro-saint principe «un homme, une voix» sur lequel repose le libre choix populaire, fondateur des sociétés démocratiques, s'efface dans les régimes autocratiques comme le nôtre pour laisser place à une sociologie politique et électorale, qui participe à la confiscation de la souveraineté populaire, au conditionnement électoral de l'opinion. Pendant que la classe politique emmenée par le couple Fln-Rnd, missionné pour appeler et soutenir un nouveau mandat présidentiel de Bouteflika, s'agite et se mobilise en rameutant l'ensemble de la clientèle habituelle du pouvoir, les Algériens sont préoccupés par leur vécu quotidien de plus en plus insoutenable, qui fait craindre le pire. Il y a en effet un immense fossé entre le sentiment largement partagé de désespérance populaire et les échos, les initiatives politiques tapageurs qui se télescopent sur la scène politique pour combler le vide sidéral qui caractérise la précampagne électorale. Une campagne qui peine à s'enclencher, parce que dépourvue d'enjeu au regard du fait accompli qui s'annonce avec l'option du 5e mandat qui semble n'être plus qu'une simple formalité. Il n'y a pas, en effet, d'exemple au monde, y compris dans les républiques bananières, où des formations politiques se réclamant de la majorité présidentielle s'égosillent jusqu'à perdre la voix et les valeurs élémentaires de l'action politique dans son sens noble pour exhorter un candidat en poste qui ne s'est pas encore déclaré à «poursuivre sa mission». Passons sur le mode opératoire utilisé pour faire passer la pilule au sein de l'opinion : la convocation du bilan des réalisations du règne de Bouteflika, la tentation diabolique de jouer sur les peurs des Algériens en invoquant les risques qui guettent le pays dans la perspective d'une alternance sans Bouteflika, le tout enrobé d'un emballage politiquement racoleur destiné à vaincre le scepticisme et l'indifférence des Algériens, auxquels on veut faire croire qu'un nouveau bail de Bouteflika n'est rien d'autre qu'un geste sacrificiel suprême au service de l'Algérie. Cette façon de faire de la politique s'appuyant sur l'affect, le culte de la personne et la culture de l'homme providentiel, la diabolisation permanente de l'adversaire politique n'a pas d'avenir et peut se révéler contreproductive pour Bouteflika. Une telle attitude est révélatrice, en réalité, non pas d'une assurance et d'une confiance en soi, mais d'un doute profond qui s'est installé dans les sphères du pouvoir face à une problématique de la succession qui ne facilite pas la visibilité et les projections politiques. Le nouveau contexte politique, économique et social difficile qui ne manquera pas, sans nul doute, d'impacter le prochain scrutin, la dégradation de l'état de santé de Bouteflika qui le disqualifie naturellement pour rester au pouvoir, les luttes sourdes mais néanmoins féroces entre clans du pouvoir pour la succession imposent des choix, des arbitrages et des consensus qui ne sont pas aussi évidents à trouver, comme ce fut le cas pour les précédents mandats de Bouteflika. L'option du candidat naturel ne convainc que les soutiens zélés de Bouteflika qui défendent leur propres privilèges avant tout, sans croire un seul instant au faiseur de miracles.