Le jeu de cache-cache qui anime la scène politique autour de la présidentielle de 2019 risque de provoquer, au sein de l'opinion, un sentiment de lassitude, de démobilisation et de rejet qui se traduira par un autre flop électoral en termes de participation au scrutin. L'appel pressant du président Bouteflika à l'occasion de la célébration de la journée du 19 Mars, Fête de la victoire, exhortant la classe politique à s'engager «dans la course au pouvoir» sur la base de la «confrontation des programmes», traduit toute l'inquiétude du pouvoir face à l'immobilisme de la scène politique qui risque d'impacter négativement le prochain rendez-vous électoral de la présidentielle en termes de participation. Il délivre en même temps un autre message qui consiste à dédouaner le pouvoir quant à la morosité présente de la vie politique et à l'absence d'engagement et de la mobilisation électorale. C'est une manière de rejeter la responsabilité de la glaciation politique dans laquelle se trouve plongé le pays sur les partis, accusés implicitement de ne pas jouer le jeu démocratique, de ne pas mouiller le maillot et d'attendre que le pouvoir leur soit servi sur un plateau. C'est , en décodé, le sens de la déclaration de Bouteflika qui espère ainsi, par cette interpellation de la classe politique, particulièrement l'opposition, lancer la précampagne électorale pour donner l'illusion qu'il existe une vie démocratique, un pluralisme dans le pays et sortir de la pensée monolithique du FlN et du Rnd, qui monopolise, parasite le débat politique et l'espace médiatique. L'absence de candidat déclaré à quelques mois du rendez-vous électoral, que ce soit de l'opposition ou du pouvoir et de la majorité présidentielle, a contribué à plomber la vie politique et figer le temps électoral. Les deux camps s'observent, s'échangent des amabilités par médias interposés, en espérant faire sortir le loup du bois. Un pan de l'opposition, composée des partis et personnalités rescapés de la plateforme de Zéralda autour de laquelle s'était fédérée une alternative politique de changement par rapport au pouvoir en place, tente d'avancer ses pions sur l'échiquier électoral – virtuel en l'état actuel des choses – en appelant à une candidature unique de l'opposition. Mais cette option reste conditionnée par la non-candidature de Bouteflika pour un 5e mandat qui pourrait être, aux yeux de l'opposition, un signe d'une élection libre et ouverte, avec d'autres garanties liées à la régularité et la transparence du scrutin. La sortie médiatique de Bouteflika sur «la course au pouvoir» – comprendre la présidentielle de 2019 – à une année du rendez-vous électoral peut se décliner comme une candidature autosuggérée mais non officiellement déclarée. Cela pourrait être une façon très diplomatique pour Bouteflika de prendre acte, sinon qu'il est partant pour un nouveau mandat, du moins de mettre fin aux supputations sur son départ avant la fin de son mandat actuel et sur la période de transition politique à laquelle appellent certains partis de l'opposition. S'il est candidat, son plaidoyer pour réactiver la vie démocratique dans le pays pourrait être fortement inspiré par des arrière-pensées politiques en relation avec le syndrome de sa candidature unique à l'élection présidentielle de 1999, suite au retrait des autres candidats en lice qui ont déligitimé politiquement le scrutin. Une situation qui a terni son image et qu'il ne voudrait pas voir se rééditer.