Dans un de ses ultimes actes politiques avant de quitter la scène, Béji Caïd Essebsi pèse de tout son poids en faveur de l'égalité de l'héritage entre les hommes et les femmes. Un acte audacieux qui va sans nul doute propulser davantage la Tunisie dans l'émancipation. Certes, la question divise l'opinion. Mais entre l'ancien monde ligoté par tous les archaïsmes et la modernité délivrante, le président tunisien n'a pas hésité pour montrer la voie à suivre. Celle du progrès social et sociétal. En soutenant ouvertement le combat pour l'égalité des sexes, il consolide ainsi les acquis de la révolution du Jasmin, car ce désir d'égalité était au cœur de l'insurrection contre le régime de Ben Ali. Et si le Parlement tunisien marche sur les pas du vieux Essebsi dans la direction indiquée et réforme le droit successoral, ce ne sera pas la victoire d'un camp contre un autre, mais le triomphe de la rationalité et du camp du progrès contre la conception rétrograde de la personne humaine. La force du geste du président tunisien réside précisément dans cette fermeté politique à agir à contre-courant de toute une région submergée par un retour brutal du dogme religieux qui sclérose nos sociétés. Défendre l'égalité dans l'héritage n'est pas seulement une victoire symbolique, c'est une avancée concrète et considérable. Elle ouvre une brèche dans les «clôtures dogmatiques» dans lesquelles est enfermé le monde dit arabo-musulman. Cette grande bataille sociale et sociétale qui se joue chez nos voisins de l'Est doit déborder les frontières de la Tunisie combattante. Cette question, comme beaucoup d'autres, transcende les clivages nationaux. Elle doit nécessairement trouver son prolongement dans tout l'espace nord-africain pour constituer l'un des socles communs sur lequel devra se construire cette région. D'évidence, chez nous en Algérie, pays du code de la famille, l'envie d'en finir avec le statut aussi dégradant pour la femme qu'humiliant pour l'homme demeure puissante. Les féministes algérien(nes) ont livré de longs et durs combats contre l'injuste ordre patriarcal. Les acquis n'étaient pas à la hauteur des sacrifices consentis. Parce que la volonté politique n'était pas au rendez-vous. S'appuyant sur les forces conservatrices de la société, le pouvoir politique était plus en résonance avec les mouvements rétrogrades d'ici et d'ailleurs. Les quelques progrès institutionnels octroyés en matière de droits des femmes sont minimes, tactiques et sans conviction. Davantage sensibles aux sirènes réactionnaires, les pouvoirs successifs ont œuvré également à maintenir la société sous influence idéologique fondamentaliste. Malgré la barbarie de l'islamisme politique qui a failli enterrer l'Algérie, ils réinstallent le pays sur la poudrière intégriste et soumettent ainsi les Algérien(nes) à un régime de double dictature politique et sociale. Cela ne doit pas être le destin d'un pays dont les glorieuses pages de son histoire ont été écrites par des femmes résistantes. L'Algérie est un pays aux combats foncièrement universels, qui ne peut être sacrifié sur l'autel d'aucun particularisme culturel.