Les milieux conservateurs n'ont pas tardé à montrer leur opposition à un projet aussi révolutionnaire Le président tunisien Béji Caïd Essebsi a annoncé son soutien à un projet de loi révolutionnaire dans le monde musulman qui doit consacrer l'égalité entre hommes et femmes en matière d'héritage. Que la Tunisie soit à la pointe du combat lorsqu'il est question de l'égalité entre hommes et femmes en général cela n'a rien d'étonnant. mais lorsqu'il s'agit de s'attaquer à l'épineuse question de l'héritage cela devient plus compliqué. Car elle véhicule en filigrane la transgression d'un principe de la loi coranique. Un droit islamique sur lequel s'appuie la Tunisie, à l'instar des pays musulmans, qui prévoit qu'en règle générale, un homme hérite le double d'une femme du même degré de parenté. Ce qui a été bien entendu légitimement bien accueilli par la gent féminine. Le dépôt d'un projet de loi établissant l'égalité est une «avancée majeure, inédite» a souligné Yosra Frawes, présidente de l'Association tunisienne des femmes démocrates. «Nous donnons de l'espoir à toutes les femmes dans le Monde arabe», s'est réjoui de son côté Bochra Belhaj Hmida, la présidente de la Commission des libertés individuelles et de l'égalité (Colibe), mise en place par le chef de l'Etat tunisien Beji Caïd Essebsi. La Colibe qui a fait de cette égalité une de ses propositions phares pour moderniser la société tunisienne espère que cette initiative fera tâche d'huile chez ses voisins maghrébins. Longtemps tabou, le débat sur l'héritage a également surgi au Maroc ces derniers mois. En Tunisie la liesse s'est emparée aussitôt l'annonce faite par le président de la République. 2000 personnes, selon la police, dont de nombreuses femmes, ont manifesté dans le centre de Tunis. «Nous sommes redescendus dans la rue pour l'égalité», ont clamé les manifestants. Dans une ambiance de fête populaire de nombreuses femmes ont investi les rues de la capitale tunisienne arborant et se drapant dans le drapeau tunisien aux couleurs rouge et blanc. Et comme il fallait s'y attendre, cette réforme sociale qui fait la part belle à la femme a rassemblé plus de 5000 personnes à Tunis qui lui ont manifesté leur hostilité. Le premier magistrat du pays a cependant affiché sa volonté à défendre ce projet «historique» qui doit bouleverser une organisation sociale patriarcale qui caractérise les sociétés maghrébines en particulier. Une révolution! Beji Caid Essebsi y est déterminé. «On va inverser la situation», en faisant de l'égalité la règle, et de l'inégalité une dérogation, a déclaré le président tunisien dans un discours télévisé à l'occasion de la Journée de la femme tunisienne. L'égalité dans l'héritage est l'une des mesures les plus débattues parmi une série de réformes sociétales proposées par la Colibe afin de traduire dans la loi l'égalité consacrée par la Constitution de 2014, adoptée dans la foulée de la Révolution ayant mis fin au règne de près d'un quart de siècle de l'ex président Zine el-Abidine Ben Ali. Le projet de loi prévoit néanmoins de laisser la possibilité au testateur «soit d'appliquer la Constitution soit de choisir la liberté», a-t-il précisé. Le patrimoine familial serait partagé par défaut de façon égale entre héritiers hommes et femmes. Le propriétaire du patrimoine aurait toutefois la possibilité d'aller chez un huissier-notaire afin de répartir son bien selon la règle des deux-tiers pour l'homme, un tiers pour la femme. Le projet risque toutefois d'être contrecarré. Il est à prévoir de chauds débats dans l'enceinte du Parlement tunisien. Les partis sont en position d'attente sur un sujet qui risque de cliver la société tunisienne.