Actuellement au Telagh, la route de Saïda porte son nom, mais peu de gens le savent. Le 19 mars 2008, à l'occasion de la célébration du 46e anniversaire de la fête de la Victoire, les autorités de la ville d'Oran lui ont rendu hommage. Ils rebaptisent la rue Alexandre Lunois, à haï Seddikia (ex-Gambetta), en son nom. Henri Quièvreux de Quiévrain, qu'on surnommait le «comte» ou le «maire royaliste de Telagh», issu de l'ancienne noblesse du nord de la France, est une figure marquante de la région, selon l'historien Hani Abdelkader. La famille Quièvreux était propriétaire de plusieurs domaines agricoles et appartenait à un courant politique d'extrême droite s'affirmant royaliste. Bien que très discret, ce mouvement réactionnaire était implanté dans plusieurs régions d'Algérie. Le 19 avril 1959, Henri Quièvreux de Quiévrain est élu maire et est désigné, en 1960, délégué du comte de Paris pour toute l'Algérie. Selon plusieurs historiens, il détenait dans sa maison, à Telagh, de précieuses archives sur toutes les familles royalistes de l'Oranie. «Une partie des archives est restée cachée dans la cheminée de son salon jusqu'en 1964 avant d'être ‘'négligemment détruite'' (...)», affirme-t-on. En Oranie, l'histoire des colons ayant volontairement contribué et aidé les maquisards de passage dans leurs fermes, «ces invités de la nuit» comme ils les surnommaient, est très peu connue. Parmi eux, le plus engagé fut incontestablement l'ancien maire de Telagh. «On ne dispose pas encore de beaucoup de détails sur l'aide qu'aurait apporté Henri Quièvreux de Quiévrain à la Révolution, mais tout le monde s'accorde à dire qu'il a été un sympathisant du FLN et qu'il s'est engagé très tôt dans l'aide aux sections FLN locales», écrit, à ce propos, l'historien Ainad Tabet. Hani Abdelkader, dans l'un de ses ouvrages, revient sur le contexte de cette époque-là. En 1959, la guerre de Libération nationale va contraindre, rappelle-t-il, l'administration coloniale à des réformes visant à abolir le système des communes mixtes et à l'instauration du collège unique dans les 1525 communes que comptait alors l'Algérie. Quièvreux Vs Cambon La solution transitoire de la délégation spéciale cédera la place à une municipalité élue au suffrage universel, ouvert aux hommes comme aux femmes. Les listes soumises au verdict des urnes sont, une fois de plus, fabriqués par l'administration et l'armée. En réaction, certains candidats dans certaines régions se présentent sur ordre du FLN. «C'est probablement le cas dans la commune de Telagh, où le FLN encourage Henri Quièvreux de Quiévrain à se présenter aux élections municipales», soutient-il. Et de préciser que le chef de la zone V de la Wilaya V, à Telagh, le capitaine Dahmani Slimane, alias Chaïb, rompu aux joutes électorales, a tout fait pour fausser les plans de l'administration coloniale. «Et c'est ainsi que, le 19 avril 1959, Henri Quièvreux de Quiévrain est élu maire de la ville de Telagh». Il remporte les élections face à Etienne Cambon, farouche partisan de l'Algérie française et maire de Telagh durant presque 40 ans (1919-1959). Les témoignages de deux officiers de l'armée française, Marc Chervel et Georges Alziaziari, sont édifiants : «Le nouveau maire est un pied-noir monarchiste très soucieux du sort de ses administrés arrêtés.» « En février 1962, la guerre d'Algérie est à un tournant décisif : les émissaires du GPRA rencontrent les représentants du gouvernement français aux Rousses en vue de finaliser les négociations devant aboutir à l'indépendance de l'Algérie. Tentant de saborder le processus de paix, l'OAS multiplie les attentats contre les populations arabes et les Européens favorables à l'indépendance», note Hani. En février 1962, Henri Quièvreux de Quiévrain est incarcéré à la maison d'arrêt d'Oran pour son appui à la cause de la population algérienne. Le 22 février, alors qu'il allait être transféré vers Blida en compagnie de trois militants nationalistes, il fut enlevé à la gare et assassiné avenue Saint Eugène. Quelques mois après, le sous-préfet musulman de Telagh, Bouakaz Zedouchir, favorable au FLN, est tué par balles, le 15 mai 1962, à la sortie de Sidi Bel Abbès, alors qu'il se trouvait dans sa voiture.