L'est de la côte témouchentoise, soit plus du tiers des 106 km de façade maritime de la wilaya, est un espace encore en friche, soit trois plages vierges de tout béton, sur les cinq ouvertes à la baignade. Leurs eaux translucides de baignade, indemnes de toute pollution, attirent un afflux d'estivants de tous les coins du pays. Tour d'horizon … L'espace en question va de Madagh 2 à Sassel, d'est en ouest. Abordons-le à Sassel. Direction Ouled Boudjemaâ, une agglomération née d'un ancien village de regroupement de populations durant la guerre de Libération nationale. C'est le chef-lieu de commune dont fait partie Sassel. Après 20 km sur la RN2, depuis Témouchent, bifurcation à Hassi El Ghella pour emprunter le bucolique CW18 à travers un rocailleux plateau couvert de doums et d'arbustes divers. Quelques agglomérations secondaires sont traversées, dont Ouled Taoui et sa maraîchère petite vallée. Notre arrivée à Sassel est calculée pour coïncider avec le moment le plus chaud de la journée. Nous avons été copieusement servis à l'étape d'Ouled Boudjemaâ : à 14h, le tableau électronique au fronton de la mairie indiquait ....47° ! En comptant le taux d'humidité ambiante, le ressenti de la température n'est pas loin de celui qui règne à Ouargla. Les rayons de soleil dardent à mort. Une colonie d'aigrettes s'en protège pour s'être repliée, comme durant la nuit, au plus haut de l'ombrage des quelques arbres alentour. Pas la moindre brise marine en ce lieu, qui connaît pourtant de grands vents glaciaux en hiver. On est tout de même à 350m d'altitude sur un plateau surplombant de ses abruptes falaises la mer à moins de 2 km à vol d'oiseau ! L'entrée de l'Hôtel de Ville calme instantanément notre stress thermique, les climatiseurs y fonctionnent à plein régime. Le maire confirme que sa commune est exclusivement agricole, mais qu'elle puise l'essentiel de ses ressources financières de... l'industrie. Une commune agricole qui vit de... l'industrie Elle est même classée en seconde position comme la plus riche per capita de la wilaya, cela grâce aux redevances de la centrale électrique dite faussement de Terga, la commune voisine, l'usine étant implantée sur le territoire d'Ouled Boudjemaâ. Pour les élus municipaux, les recettes générées par la saison estivale équivalent à des clopinettes dans la constitution du budget communal. Comme Sassel est un village balnéaire constitué de résidences secondaires, aucune redevance ne profite à la commune, ce qui ne justifie nullement son investissement dans son entretien. Seule consolation, quelques emplois temporaires et des rentrées pour les habitants des localités alentours qui améliorent leurs revenus en louant tout ou partie de leurs modestes demeures aux estivants. En quittant Ouled Boudjemaâ, le maigre maquis dominant jusque-là, a cédé la place à une végétation plus fournie. On est passé sur la RN96A, route littorale qui débouche sur la forêt de Sassel. Elle est faite de pins maritimes quelque peu rabougris. C'est qu'ici la pluviosité n'est que de 300mm/an. Puis, il y a les bourrasques hivernales et leurs embruns salés qui obligent toute végétation à ne pas trop s'étirer en hauteur. Il n'empêche, la verdoyante vision est un ravissement tant, par comparaison, le reste du Témouchentois a été désertifié depuis l'arrachage de 60 000 ha de vigne, soit près de la moitié de la SAU dans les années 1970. On débouche sur le massif boisé au bout d'une descente en lacets en l'oued Sassel qui se trouve être une plate et étroite vallée. Son exutoire, 2 km plus loin, à gauche, est borné par un cordon dunaire derrière lequel est adossée Sassel. Totalement invisible, son approche n'est plus cependant celle d'il y a deux années. Sa présence est désormais annoncée de loin par l'imposante et aérienne architecture d'un hôtel en voie d'achèvement tout à droite du cordon dunaire. Il est en bord de l'étroite entrée. D'une capacité de 224 lits, il est l'unique hôtel de Sassel. Le chef du chantier nous en permet la visite. C'est du très haut standing, de plus réalisé 100% algérien. Toutes les chambres ont vue sur la mer grâce à une légère cambrure de l'édifice, une courbure qui enserre une piscine et des équipements dédiés aux loisirs de la clientèle. Depuis le 5e étage, Sassel et le large s'offrent au regard. La station balnéaire, autrefois destination des plus fortunés colons de la région, est une des plus petites plages de la wilaya, soit 500 m de longueur. Elle est enclavée dans une crique en demi-cercle. Vue de haut, la densité de son bâti a été poussée, à telle enseigne que tout mètre carré constructible l'a été. Le dernier espace bâtissable a été pris sur le cordon dunaire. Un petit village touristique, constitué de bungalows, y voit le jour. Descente des étages pour rejoindre la cuvette où niche Sassel. Tout ce qui y vit, et qui est au dehors, est dans l'eau, tant la canicule est à la fournaise. Au-delà de l'anse enserrant la cité balnéaire, à 1000 m en mer, le rafraîchissant «chergui» (vent nord-est) indique sa présence au vu de vaguelettes qu'il forme à la surface de l'eau. Naturellement étroit, le rivage apparaît davantage exigu tant il est saturé de monde. Les parasols sont serrés les uns contre les autres sur la trentaine de mètres de largeur de la plage. Comme ailleurs, il faut venir tôt pour occuper les meilleures places. Malgré tout, la convivialité règne. Surtout la joie de vivre des enfants. Nous la quittons, non sans avoir sué toute l'eau de notre corps. Départ vers la plage de Sbiât. La limite de la mer d'Alboran De l'oued Sassel qu'on retrouve, on remonte une raide et interminable pente, celle de la 96A. Mais au fait, pourquoi ce nom Sassel ? Sollicité, «M. Google» nous renvoie à une ancienne commune suisse, ainsi qu'à une section d'une commune luxembourgeoise. Forcément, cela n'a rien à voir. A Ouled Boudjemaâ, on écarquille les yeux. On croit savoir qu'il est en référence à Sasli, le saint-patron dont la koubba trône en haut de la colline, ce prénom étant d'ailleurs très partagé dans les environs en hommage au marabout. Mais, il n'en reste pas moins qu'il est lui-même dérivé de Sassel. Quelques kilomètres plus loin, sur la droite, on aura vu quelques masures éparpillées et qui constituent un douar, l'un des très rares à ne pas être un collectif d'habitations agglomérées. Son nom, Sbiât, est le pluriel de Sbî. Ce dernier est le patronyme que portent la centaine de descendants d'une fraction de tribu qui vit là. L'onomastique, dans cette région, est généralement liée aux populations installées là depuis les successifs bouleversements nés des incursions espagnoles, la Régence ottomane et la colonisation française. A moins de 10 mn de route à petite vitesse, la route qui mène à la plage apparaît à gauche. A la bifurcation, deux adolescents vendent des fruits des vergers voisins. Il s'agit de pastèques cultivées en «bour», c'est-à-dire en sec et sans adjuvants chimiques. Idem pour les figues bio de la variété «bakour». Elles sont fondantes, savoureuses et si mielleuses que votre palais en redemande. Dommage que ces produits du terroir ne soient pas valorisés en commerce et que le tourisme ne s'en soit pas saisi comme arguments gastronomiques. La descente vers Sbiât est vertigineuse et kilométrique. On freine souvent en 1re ou 2e vitesses. Débutants dans la conduite s'abstenir. On s'arrête aussi parce que le panorama est grandiose, la nature s'étalant dans toute sa splendeur. La mer est d'huile. Sa surface, à cette heure, est un gigantesque miroir réfléchissant les rayons de l'astre solaire. C'est aveuglant. En descendant plus avant, le cap Figalo se révèle à droite, marquant la limite sud-est de la mer d'Alboran, la mer la plus occidentale de la Méditerranée. Ce cap, qui fait partie de la commune de M'Saïd, est à environ 6 km à l'ouest de Bouzedjar. Il limite le deuxième bras de la plage qui apparaît en premier, car il y en a un autre à gauche qui se révèle en descendant davantage, les deux constituent de larges et longs arcs de sable blond. Et en descendant encore, c'est l'îlot Girardet qui attire le regard avec son banc de sable qui, l'été, le relie à la plage (voir encadré). Il y a d'autres îlots, mais c'est lui qui s'impose au regard, en raison de sa remarquable position. Récemment, il a été mis au jour un canon datant des années 1940. C'est probablement un vestige du débarquement américain en Oranie de ce côté du cap Figalo, comme de l'autre côté, sur la plage de Bouzedjar, au cours de la 2e Guerre mondiale. Sur l'immense plage, bien qu'il y ait plus de monde qu'à Sassel, cela ne saute pas immédiatement au regard. Il y a une enfilade de tentes installées côte à côte, mais sur une longueur de près de 1000 m ! Vue de haut, elles rappellent un collier multicolore étalé sur la blondeur du sable fin. Difficile de repartir. Mais il est plus de 17h. Nous ne pourrons trouver personne à la mairie de M'Saïd, le chef-lieu de commune. Nous y apprendrons le lendemain que la révision du plan d'aménagement et d'urbanisme a retenu que la zone de Sbiât soit conservée comme parc naturel. «Les Français qui nous ont occupés 132 ans ont préservé cet espace et ont construit sur les sites environnants. Ce ne sont pas les moyens qui leur manquaient, les plus riches colons se trouvaient dans la région», avance Cherrak Boualem, le maire. Ces propos ne peuvent que réjouir les amoureux de Dame nature. Le PDAU révisé propose un tourisme adapté à la préservation d'un écosystème fragile en cet espace. Sbiât est en pente raide, argileuse et ses terrains sujets aux éboulements en raison de l'érosion éolienne et hydrique. A moins que les puissances de l'argent ne l'entendent pas de cette oreille. Pour l'instant, le camping sauvage profite aux plus hardis. Pour le maire, il y a possibilité d'injecter un camping en structure légère en arrière de la plage. Sauf que la commune n'a pas les moyens financiers pour le réaliser et qu'il faut une étude pour établir un cahier des charges et que les eaux usées ne polluent rien, d'autant que pas loin, en mer, des fermes aquacoles marines sont implantées. Un signal fort est donné par la commune, l'éclairage nocturne sur la plage fonctionne à l'énergie verte.