La station balnéaire de Sassel, l'une des plus petites plages de la wilaya de Aïn Témouchent, sur la vingtaine ouvertes à la baignade, fait cette semaine la une de Facebook, avec un post très partagé par les internautes. Il s'agit plutôt d'une dénonciation que d'une information, mais qui est considérée comme telle par les multiples «like», c'est-à-dire une information vérifiée et recoupée. Le post rapporte qu'à 8h30, sans indiquer le jour, "les 3/4 de la plage étaient privatisés par une bande d'individus d'un village voisin". Il précise que 5 à 6 camions bourrés de gendarmes seraient venus pour les déloger, mais sans résultat. Ce qui aurait déchaîné l'ire des «squatteurs et raquetteurs de plage» contre les estivants. Les faits, même distillés de façon accrocheuse par l'exagération du trait, ne sont pas anodins. Un contre-reportage s'impose pour les examiner et voir ce qu'il en est bien au-delà. Mardi 18 juillet, 10h, arrivée à Sassel, en traversant une vallée profonde, dont les collines alentour sont très boisées, comparativement au reste de la wilaya très dénudé. On débouche dans cette vallée par une très inclinée descente toute en virages, en venant par la route littorale depuis les Andalouses, en passant par Madagh, puis Bouzedjar. La route est excellente et les paysages magnifiques. Sassel, qu'on ne découvrait qu'à la limite de la vallée en remontant un monticule, laisse désormais deviner sa présence à la vue du chantier de réalisation d'un hôtel à l'architecture d'un palace. La résidence du wali, qui, en contrebas sur la plage, attirait les regards, a désormais un air moins cossu. Elle se fond déjà dans le vieillot style architectural des autres cabanons construits comme elle à l'époque coloniale. Sur la plage, trois solariums identifiables à leur différence de couleurs occupent côte à côte le centre du rivage sur son devant. Le facebookeur a raison dans la dénonciation de l'occupation illégale de la plage. Mais il n'est pas vrai que ce sont ses ¾ qui sont occupés. «Y-a-t-il eu des échauffourées entre plagistes et estivants après intervention de renforts de gendarmes ?» Plusieurs estivants, présents depuis plusieurs jours, font les yeux ronds à notre question. Direction le poste de gendarmerie, à deux rangées de cabanons derrière la plage. L'étonnement n'est pas feint : «Mais nous n'avons jamais fait appel à un quelconque renfort, d'autant que nous n'avons enregistré aucun trouble ni aucune plainte de qui que ce soit ! Nos tournées suffisent pour sécuriser les lieux. Les seules actions concernent les individus qui s'adonnent à la consommation de boissons alcoolisées, ici, c'est une plage familiale, vous savez. Quant aux plagistes, ils disposent d'une concession en règle.» Apparemment, les gendarmes n'ont pas d'instructions précises dans l'application des directives énoncées par le ministre de l'Intérieur pour le démantèlement des solariums. Visite chez le maire du «village voisin», l'agglomération telle que dédaigneusement désignée par le post. Il s'agit de Ouled Boudjemâa, chef-lieu de la commune du même nom (près de 7000 habitants) comprenant Oued Taoui, une autre localité. Le maire est déstabilisé dès que nous lui annonçons que Sassel «fait les gorges chaudes» de Facebook : «Mais pourtant nous faisons tout pour que l'hygiène et la propreté ne fassent pas défaut !» Lorsque nous lui expliquons de quoi il s'agit, il réfute l'assertion à propos d'une bande de jeunes : «Il s'agit de trois concessionnaires retenus par voie d'adjudication sous la responsabilité d'un commissaire priseur : Nous n'y avons pas été associés. Par ailleurs, il n'y a jamais de troubles ni d'arrivée de renforts de gendarmes.» Sur le fait que l'occupation de la plage est tout de même illégale, la réponse de l'édile n'est pas convaincante. Nous déduisons implicitement qu'il n'a pas d'autres choix parce qu'il n'a pas compétence de police et qu'il n'a pas de police communale à son service. D'ailleurs, à la limite, pourquoi s'en prendrait-il aux plagistes de Sassel, alors que ceux du reste de la wilaya ne sont pas inquiétés. Enfin, nous explique un ancien élu auquel nous avons fait lire le post, «il se tirerait une balle dans le pied en s'en prenant aux plagistes. Le budget de la commune est cette année constitué pour la première fois des seules recettes tirées de la plage de Sassel. Il se monte à près de 7 millions de DA que rapportent deux parkings, les solariums et quelques biens domaniaux loués. Par contre, les années passées, c'est la commune qui dépensait 5 à 6 millions de DA de son budget dans l'entretien de la plage pour assurer un bon déroulement de la saison estivale sans rien tirer de cette station balnéaire au titre de la taxe sur l'activité professionnelle (TAP) puisqu'il n'y ni hôtel ni autre activité taxée. Au contraire, un nombre très important de cabanons sont loués au prix fort par leurs propriétaires sans aucune ristourne pour la commune. C'est dont "le village d'à côté" qui enrichit les propriétaires de résidences secondaires et qui débourse pour l'éclairage public de leurs locataires. Savez-vous que la commune vivait avec 12 à 13 millions de DA que versait la centrale électrique voisine au titre de la TAP ? Savez-vous que la commune puisait sur cet argent près de la moitié pour la saison estivale sans rien en tirer, alors que la priorité doit être à la population locale ? Mais encore, cela fait deux années que la TAP que versait la centrale électrique ne l'est plus en raison d'un différent entre son propriétaire, Sonelgaz et l'entreprise qui en assure le management ? Toutes les autorités locales et centrales ont été saisies sans aucun résultat. Sur ça, évidemment, il n'y a aucun post sur Face- book pour le dénoncer. C'est scandaleux, ces soi-disant touristes qui ne voient que le bord de mer sans penser à son arrière-pays qu'ils insultent !»