Le peuple palestinien a joué à fond la carte de la démocratie.En remportant haut la main l'élection palestinienne du 9 janvier, Mahmoud Abbas, chef de l'OLP et candidat du puissant Fatah, vient en fait de remporter le premier défi auquel il était confronté. Cet homme dont la cote de popularité ne dépassait pas les 2% du vivant du défunt président Yasser Arafat, décédé le 11 novembre dernier, a réussi, avec l'aide de cette fourmilière qu'est le mouvement Fatah, pilier de l'OLP, à convaincre les Palestiniens du bien-fondé de voter pour lui. Selon les résultats officiels de cet important scrutin, annoncés dans la matinée d'hier par la commission électorale centrale dont le siège est à Ramallah, en Cisjordanie, il a obtenu un taux de 65,8% alors que son principal rival, le docteur Moustapha El Barghouti, n'a obtenu que 19,5% des voix. Les 5 autres candidats réunis n'ont réussi à recueillir que 14,7% sur les 1,8 million de Palestiniens qui ont le droit de vote, le taux de participation était de 70%. Ces résultats ne sont pas différents de ceux annoncés, la veille au soir, par l'université de Beir Zeit, qui a effectué un sondage réalisé à la sortie des bureaux de vote. Le même soir et sans attendre les résultats définitifs, Mahmoud Abbas est apparu rayonnant au milieu de ses partisans, à Ramallah, pour annoncer sa victoire. Il l'a dédiée à son compagnon de route, le défunt président Yasser Arafat, au peuple palestinien et aux prisonniers incarcérés dans les prisons israéliennes. Dans la même soirée, des milliers de Palestiniens dont des centaines d'hommes armés du Fatah sont sortis dans les rues pour célébrer cette victoire. Les coups de feu ainsi que les klaxons des voitures ont chauffé cette nuit glaciale des différentes villes palestiniennes. Les Missions La célébration a duré une bonne partie de la nuit. Ces élections qui se sont déroulées sous le contrôle de centaines d'observateurs étrangers et de milliers d'observateurs locaux ont été qualifiées de libres, de propres et d'impartiales. Certains des candidats ont bien sûr essayé de faire douter de ces résultats. Maintenant qu'il est devenu le premier responsable palestinien, on peut dire qu'il n'aura pas beaucoup de temps pour savourer cette victoire. En effet, de nombreuses tâches attendent celui qui est devenu chef de l'OLP et président de l'Autorité palestinienne. Cet homme modéré qui prône l'arrêt de la militarisation de l'Intifadha et les négociations avec le gouvernement israélien, devra tout d'abord pouvoir convaincre tous les groupes armés palestiniens, qui sont très nombreux, à baisser leurs armes et à accepter sa vision sur la manière à suivre pour le recouvrement des droits fondamentaux du peuple palestinien. Abbas, connu pour être l'architecte des accords d'Oslo en 1993, souhaite un arrêt de la lutte armée qu'il juge inadéquate, vu le déséquilibre des forces entre Palestiniens et Israéliens. C'est sur ce point essentiellement qu'il risque de trouver le plus de difficultés. Les pressions israéliennes sur celui qu'ils considéraient comme un interlocuteur valable ont déjà commencé et ce même avant l'annonce officielle des résultats. Le ministre israélien des Affaires étrangères a exigé de Mahmoud Abbas de déclarer la guerre aux différents mouvements palestiniens qui prônent la lutte armée, dès le lendemain de son élection. Le principal défi est encore à venir. « Combattra-t-il les terroristes et tentera-t-il de faire cesser la sanglante guerre contre l'Etat d'Israël ? », s'est interrogé pour sa part le vice-Premier ministre israélien Ehud Olmert. Aller dans ce sens pourrait être porteur de beaucoup de malheurs pour les Palestiniens qui ont besoin plus que jamais de s'unifier. Les autres missions qui attendent Mahmoud Abbas peuvent être déduites des impressions des citoyens que nous avons recueillies à la sortie des urnes et qui se résument en quelques points essentiels.Trouver une solution au problème du chômage. Mettre un terme à la corruption devenue un véritable fléau au sein de l'Autorité palestinienne et qui lui fait perdre sa crédibilité parmi les citoyens. L'amélioration des salaires. Mettre un terme à l'anarchie des armes dans la rue palestinienne, cause de multiples drames dans des conflits familiaux. En plus des exigences politiques qui jouissent d'un consensus parmi les citoyens, quels que soient leurs horizons politiques, en l'occurrence la création d'un Etat palestinien indépendant avec El Qods comme capitale et le droit de retour dans les foyers des réfugiés palestiniens. En tous les cas, si Mahmoud Abbas a gagné ce rendez-vous électoral, le peuple palestinien a le mérite d'être peut-être le premier peuple arabe, malgré les difficultés dues à l'occupation, à avoir joué à fond le jeu de la démocratie.