Avec la bénédiction des Etats-Unis, la succession de Yasser Arafat est en passe de se faire dans les meilleures conditions. Mahmoud Abbas est archifavori de ce scrutin. En dépit des perpétuelles incursions sanglantes de l'armée israélienne dans les territoires autonomes, l'Autorité palestinienne est sur le point de se doter de son second président après Yasser Arafat. Le scrutin d'aujourd'hui ne devrait constituer qu'une simple formalité pour Mahmoud Abbas, candidat du Fatah. Fort de l'appui de ce mouvement, Abou Mazen a su conforter son capital confiance par un discours électoral parfois musclé, au risque de déplaire aux Etats-Unis et à Israël. Le chaos n'a pas eu lieu Les Palestiniens sont en train de donner une véritable leçon de démocratie à la communauté internationale. La disparition du symbole de la cause du peuple palestinien, Yasser Arafat, n'a pas plongé les territoires autonomes dans le chaos comme le prévoyaient certains observateurs. Le triumvirat composé de Mahmoud Abbas, Ahmed Qoreï et Raouhi Fattouh, a géré d'une main de maître la situation. Il faut dire que leur tâche était loin d'être aisée. En effet, pour passer d'un système autocratique basé sur Yasser Arafat, incontournable dans toutes les opérations de gestion de l'Autorité palestinienne, à un système fonctionnant avec des institutions, il est indispensable de faire preuve d'un génie hors du commun. Le déroulement dans d'excellentes conditions des récentes élections municipales est venu apporter la confirmation de la bonne gestion, qui n'a laissé aucune place à la division au sein des rangs palestiniens. Hamas et le Djihad islamique, dont on redoutait énormément la réaction, ont, en fin de compte, joué le jeu en appelant à l'unité du peuple palestinien, même s'ils ont décidé de boycotter le scrutin présidentiel. Marwane Barghouthi a fait planer le doute Architecte de l'Intifadha, le chef du Fatah en Cisjordanie a failli lézarder l'unité de ce mouvement en annonçant sa candidature à l'élection présidentielle. Condamné pour plusieurs peines par la justice israélienne et croupissant dans les geôles de l'Etat hébreu, Marwane Barghouthi a, en effet, semé la discorde au sein du Fatah pendant quelques jours. Sa candidature constituait un réel danger pour l'avenir du parti politique fondé par Yasser Arafat en particulier et pour la Palestine de manière général. Barghouthi a provoqué un véritable branle-bas de combat dans les milieux politiques palestiniens. Il y a lieu de reconnaître que l'homme représente le plus sérieux concurrent pour Mahmoud Abbas. Pis, les sondages qui ont suivi l'annonce de sa candidature l'ont donné vainqueur. C'est dire le séisme qu'il a causé dans l'entourage d'Abou Mazen. Il a fallu recourir aux médiations pour le convaincre de renoncer à son projet. En contrepartie, la nouvelle direction palestinienne s'est engagée à tout faire pour obtenir sa libération. Mahmoud Abbas gagne la sympathie des Palestiniens, et… Donné comme manquant de charisme par les analystes, l'éternel second de Yasser Arafat aura surpris plus d'un dans sa campagne électorale, à commencer par les responsables israéliens, déçus par l'agressivité de son discours politique. S'accrochant bec et ongles au droit au retour des réfugiés palestiniens à Jérusalem comme capitale du futur Etat palestinien et à la libération des 8 000 prisonniers détenus par Israël, notamment Marwane Barghouthi, Mahmoud Abbas arrache le soutien de son peuple. Il est même porté en triomphe à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, où les observateurs appréhendaient beaucoup la réaction des habitants de la région, qui lui étaient peu favorables. Ce changement dans son discours politique est-il une radicalisation de sa ligne ou s'agit-il seulement d'un discours électoraliste ? La seconde hypothèse semble la plus plausible en raison de la modération, dont il a toujours fait preuve jusque-là dans ses positions relatives au dialogue avec l'Etat hébreu. Reste à savoir s'il pourra faire des concessions quant aux questions des réfugiés, des prisonniers et de Jérusalem, une fois élu. …traite Israël “d'ennemi sioniste” Mahmoud Abbas a provoqué un tollé au sein de la classe politique israélienne en qualifiant l'Etat hébreu "d'ennemi sioniste" lors de son meeting électoral à Gaza. "Il ne fait pas l'ombre d'un doute que ce qu'a dit Abou Mazen est intolérable et inacceptable. Cela ne peut pas servir de base pour une éventuelle coopération future", a déclaré le vice-premier ministre israélien et bras droit d'Ariel Sharon, Ehud Olmert. Il faut dire que même Yasser Arafat n'avait plus usé de cette expression favorite des extrémistes palestiniens depuis de longues années. Irrité par les incursions répétées de l'armée israélienne qui ont fait un grand nombre de victimes civiles parmi les Palestiniens, Mahmoud Abbas, le modéré, a perdu son self-contrôle. Il est allé jusqu'à déclarer à Beït Lahiya que cela "n'apportera la paix à personne", avant d'ajouter : "Si de telles agressions se poursuivent, nous ne serons pas en mesure de nous engager dans un processus de paix." Ceci étant, en condamnant fermement les tirs palestiniens de roquettes et de mortiers sur le territoire israélien, il a désorienté les analystes, qui n'arrivent plus à suivre sa démarche. Pour ne pas entacher son image de marque, Mahmoud Abbas a clos sa campagne électorale en queue de poisson en refusant la protection que devait lui assurer vendredi l'armée israélienne à l'occasion d'un meeting qu'il devait tenir à Jérusalem-Est. Il a estimé que la présence de soldats ou de policiers israéliens autour de lui constituait une détérioration de son image. Quoi qu'il en soit, il ne s'est pas empêché de minimiser dans un journal israélien la portée des propos tenus à l'encontre de l'Etat hébreu, d'où la difficulté pour les observateurs de cerner avec exactitude sa pensée. Le scrutin, une simple formalité En durcissant son discours politique, Mahmoud Abbas a considérablement augmenté l'écart entre les autres candidats. Certains sondages lui accordent jusqu'à quarante-cinq points d'avance sur le rival le mieux placé, en l'occurrence Moustapha Barghouthi, qui n'a aucun lien de parenté avec Marwane Barghouthi. Tout indique que Abou Mazen sera le second président de l'Autorité palestinienne. Le vote d'aujourd'hui sera la confirmation pour l'idéologue de l'organisation de libération de la Palestine. Serait-ce le changement dans la continuité ? Difficile de répondre par l'affirmative tant le discours de l'homme n'est plus le même depuis la disparition de Yasser Arafat. Une chose est sûre, Mahmoud Abbas ne s'est pas privé de rappeler à satiété son attachement au patrimoine hérité du défunt leader de la lutte du peuple palestinien. Tout s'éclaircira lorsqu'il renouera le dialogue avec le gouvernement Sharon. Les sept Candidats Mahmoud Abbas (Abou Mazen) Candidat unique du mouvement Fatah qui domine la vie politique palestinienne. M. Abbas, 69 ans, est le chef du comité exécutif de l'OLP depuis la mort de Yasser Arafat le 11 novembre. Considéré comme un modéré, il est né à Safed, en Haute Galilée, et a servi comme Premier ministre en 2003 avant de démissionner en raison de divergences avec Arafat. M. Abbas est le principal architecte, côté palestinien, des accords d'Oslo (1993) sur l'autonomie palestinienne. Donné grand favori pour remporter le scrutin, M. Abbas prône la "démilitarisation" de l'Intifadha, au risque d'irriter les radicaux palestiniens. Moustapha Barghouthi Candidat indépendant. M. Barghouthi, 51 ans, est un opposant à la ligne politique actuelle de l'Autorité palestinienne. Il est le secrétaire général de l'Initiative nationale palestinienne, mouvement politique qui milite pour la démocratie et dirige aussi une importante ONG médicale palestinienne. Il s'était fait arrêter récemment par la police israélienne en faisant campagne à Jérusalem-Est sans disposer d'un permis israélien l'autorisant à se rendre dans la partie occupée et annexée de la ville. Tayssir Khaled Candidat du Front démocratique de libération de la Palestine (Fdlp). Revenu d'exil après la création de l'Autorité palestinienne en 1994, M. Khaled, 63 ans, est l'un des principaux dirigeants du Fdlp, une formation d'opposition de gauche. Originaire de Naplouse, dans le nord de la Cisjordanie, il est également membre du comité exécutif de l'OLP. Bassam Al-Salhi Candidat du Parti du Peuple (ex-communiste). Secrétaire général du parti depuis 2003. Issu d'une famille originaire de Lod près de Tel-Aviv, il est né en 1960 dans le camp de réfugiés d'Al-Amari de Ramallah. Il avait dirigé le conseil d'étudiants de l'université de Bir Zeït entre 1979 et 1981. Il a été emprisonné à plusieurs reprises en Israël. Sayyed Barakah Candidat islamiste indépendant. M. Barakah, 48 ans, est un ancien directeur général au ministère de la Jeunesse et des Sports à Gaza, poste dont il a démissionné pour briguer la présidence. M. Barakah est un ancien cadre du Jihad islamique mais il avait quitté le mouvement à la suite de divergences avec sa direction. Abdelkarim Choubeïr Candidat indépendant, 45 ans, avocat à Gaza. Titulaire d'un doctorat de loi internationale, M. Choubeïr fut un défenseur très actif des droits des Palestiniens détenus en Israël. Abdelhalim Al-Ashqar Candidat islamiste indépendant. M. Ashqar est un universitaire établi depuis 1989 aux Etats-Unis où il a été arrêté à plusieurs reprises sous le soupçon de collecter des fonds au profit du mouvement radical Hamas. Domicilié à Alexandria, en Virginie, M. Ashqar, né en 1958 en Cisjordanie, avait été arrêté pour la dernière fois en août avant d'être placé en résidence surveillée, ce qui l'empêche de se rendre dans les territoires palestiniens. Sa campagne s'est limitée à des encarts publicitaires dans la presse palestinienne. K. A.