Près de 20 mois sont passés depuis l'incarcération du blogueur Mezoug Touati, qui a été placé en détention provisoire dans la prison de Oued Ghir (Béjaïa). Désespérée, sa maman enregistre un deuxième message vidéo. C'est une mère éprouvée qui envoie un message de détresse aux autorités judiciaires du pays, les priant de libérer son fils. Une mère sincère dans son appel qui lance un cri de détresse tout en restant digne, sans excès dans son affliction et droite dans sa peine. Elle clame l'innocence de son fils comme tous les militants associatifs et des organisations de défense des droits humains, des politiques et des artistes qui la soutiennent. Assise chez elle, un drapeau national sur son épaule et entourée de nombreux compatissants, elle parle du sens du patriotisme de son fils. Elle réfute que son fils soit traiter d'«espion», lui «qui pouvait prendre un passeport et quitter le pays. Mais il a préféré rester et s'adonner à sa passion, le journalisme». En effet, le jeune Merzoug a entretenu une page Facebook et un blog appelé «Al Hogra» depuis 2015. En journaliste citoyen, il s'intéressait, comme n'importe quel Algérien jaloux pour son pays, à la situation des droits de l'homme en Algérie. La gorge nouée par la tristesse, Mme Touati, qui connaît son fils mieux que quiconque, lance une phrase lourde de sens. Elle pense résolument que «si son fils avait trahi son pays en écrivant un article, il aurait eu tout ce qu'il voulait, tous les privilèges. Il n'irait pas travailler sur les chantiers en tant que manœuvre, lui qui est diplômé de l'université algérienne». Les 20 mois d'absence de son fils ont pesé sur les épaules de cette maman qui tient grâce aux nombreux militants qui ne quittent pas son appartement de location. Elle supporte tant bien que mal sa solitude grâce à des médicaments, des calmants qui l'aident à dormir. Les heures d'interrogatoire que Merzoug Touati a subies ont impacté négativement le moral de son jeune frère qui était présent lors de l'interpellation. Aujourd'hui, il est suivi, comme sa mère, par des psychologues bénévoles. Pour toutes ces raisons, la mère du détenu d'opinion «prie» les responsables de regarder dans sa direction, pour qu'ils fassent le geste qui la délivrera de cette attente. Pour un front large et national Pour Amnesty International, «cet homme est un prisonnier d'opinion, détenu uniquement pour avoir exprimé ses opinions de façon pacifique». Il a été inculpé pour «de fausses accusations fondées uniquement sur des publications en ligne», précisant encore que le concerné «était au chômage au moment de son interpellation et il n'était affilié à aucun parti politique ni à aucune association». Constatant le non-fondement des accusations et la gravité des chefs d'inculpation retenus contre lui, à savoir «intelligence avec une puissance étrangère dans le but de nuire aux relations diplomatiques», des militants associatifs ainsi que des organisations internationales de défense des droits humains et des avocats s'activent pour sa libération. Les actions de sensibilisation menées par les militants, au fil du temps, ont abouti à rassembler plusieurs appuis. Parmi eux, des artistes de renom ont rejoint la cause, à l'image de Zdek Mouloud, des personnalités comme Nadia, la veuve de Matoub Lounès, le chanteur Ali Ideflawen, Kamel Iflis et d'autres artistes locaux. Du côté des partis politiques, le Mouvement démocratique et social (MDS) et le RCD se sont exprimés officiellement à travers leurs dirigeants. Pour le MDS, le candidat à la présidentiel d'avril 2019, Fethi Ghares, a exprimé son soutien à Marzoug lors du rassemblement du 20 août à Ifri Ouzellaguène. Le parti de Mohcine Belabbas, qui s'est engagé dès son interpellation par les militants, a réitéré son appui et sa disponibilité lors de la même manifestation à travers l'intervention du président du bureau local du parti, Mohammed Labdouci. Bien que sa direction soit réticente encore à s'exprimer officiellement, le FFS s'est manifesté à travers des cadres et des élus locaux, à l'image du maire de la ville et du président de l'APW de Béjaïa, M'henna Heddadou, et d'autres militants de la base qui se sont affichés auprès de la famille de Touati Merzoug. L'urgence, pour la Ligue algérienne de défense des droits de l'homme (LADDH), est la suivante : «Le pouvoir judiciaire doit examiner en urgence le pourvoi en cassation introduit à la Cour suprême par les avocats de Touati pour l'annulation du dernier jugement qui a eu lieu en deuxième instance et où la peine de 7 ans de prison ferme a été prononcée afin de permettre la libération du détenu.» Le comité pour la libération de Merzoug Touati examine la possibilité d'organiser une marche nationale à Béjaïa, baptisée «La marche des libertés». A ce propos, Saïd Salhi, membre du comité et vice-président de la LADDH, a indiqué que «pour le moment nous sommes encore en phase de réflexion, d'évaluation de notre travail, de concertation avec les organisations, avocats et militants ainsi que la famille de Touati Merzoug, dans un climat de sérénité et loin de la précipitation». Et de préciser que «l'objectif est d'arriver à sensibiliser plus et à rallier autour de cette affaire», avant d'assurer que «l'idée de l'action fait son chemin en travaillant dans le but d'élargir plus la dynamique autour des questions de la défense des libertés démocratiques, dans le cadre d'un front large et national».