L'espace d'un week-end, beaucoup de Tiarétis, hommes et femmes, jeunes et moins jeunes, se sont rencontrés au pied du saint vénéré «Sidi Khaled», sur les hauteurs de la ville, au niveau de la zaouia Moulay Tayeb, pour célébrer un vieux rituel, devenu par la force du temps une rencontre pour les adeptes de cette confrérie des «Taibia», fondée au début du dix-huitième siècle par Moulay Abdallah Cherif. Cette fête se différencie de celle des «Ouled Blal», ou encore de celle de «Sidi Khaled». La waâda de Moulay Tayeb, dédiée par les descendants de ce «wali» pour honorer sa mémoire et perpétuer une tradition bien ancrée chez les «Gouraras», est venue à point nommé rompre la monotonie dans la cité et perpétuer une légende que se sont transmise les adeptes, de génération en génération, dès la fin du XVIIIe siècle, quand, du fin fond du Sahara, des caravanes ont fait de longs voyages pour aboutir aux quatre coins de l'Ouest, en Oranie, jusqu'aux Hauts-Plateaux de l'Ouest. Beaucoup de familles s'y sont établies et sont devenues par la force du temps des acteurs incontournables de la vie sociale, économique, culturelle, voire sportive, de la région. Les invités viennent de plusieurs régions du pays pour célébrer une fête partagée par tout le monde. Trois jours durant et au rythme de la zorna et du baroud, on y danse jusqu'à entrer en transe. On y sert des mets, dont la célèbre «rouina», du couscous, on échange des offrandes et on s'offre la «baraka». La fête a du sens, d'autant que la cité ne célèbre que rarement son saint patron de la ville, «Sidi M'hamed Bekhaled», ou «taâm Sidi Khaled», contrairement à d'autres contrées et tribus de la région. Ainsi sevrés de sensations fortes, les corps se transcendent, se confondent et en parfaite harmonie se transportent sous le rythme endiablé des troupes folkloriques. Après Moulay Cherif, la confrérie eut pour successeurs Moulay Touhami, puis Moulay Tayeb, établi à Ouazzane, au Maroc. De nos jours, et bien que le siège de la zaouia à la mythique cité «El Graba» fût épargné par les crocs des engins pour les besoins d'une grande opération de relogement, le quartier a été dépeuplé et ses habitants éparpillés aux quatre coins de la ville, mais cela n'empêche pas l'adhésion au culte et à la communauté. Après le décès des premiers «mokadem», dont cheikh Moulay, des jeunes de la communauté ont pris la relève et se mettent en quatre pour être au rendez-vous. «Ce ne fut pas une simple affaire que d'organiser la fête avec toutes les procédures et surtout l'austérité qui marque de son empreinte indélébile les gens qui vénèrent encore l'ancêtre», dira Lili Mabrouk, secrétaire général de l'association Ouled Touat Taibia. Cet enseignant émérite explique : «La waâda a été organisée pour la dernière fois en 2015 et on a fait l'impasse durant les deux dernières années faute de moyens financiers, car ni l'APC ni les responsables de la culture n'ont daigné y souscrire et aider.» Cette importante communauté, qui a su s'imposer pour se mêler au reste des ethnies composites, ne reste sollicitée que l'espace d'un scrutin et vouée à l'indifférence de par l'inculture et une médiocrité ambiante. Parmi le rituel en vigueur, les adeptes de la zaouïa ne dérogent pas à la règle. Etendard, «sandouk», «selka», chants et danses, «hadhra» et visite au mausolée de Sidi Khaled restent au menu. Selon Lilli Mabrouk, le grand Mokadem, qui dispose de la désignation, est établi à Sidi El Hasni, à Oran. La relève, d'après lui, est assurée mais sa pérennité reste aléatoire du fait d'un aspect lié fondamentalement aux finances.