Les Quatre saisons, célèbre composition de 1723 des quatre concertos pour violon du virtuose Antonio Vivaldi, ont, tout comme la période des figues ou des cerises, leurs pareilles dans le domaine plus feutré et plus austère du droit. A chaque secteur ses saisons, et le droit n'y échappe pas. Contingent et évolutif, le droit connaît en effet lui aussi ses saisons et cette rentrée ne manque pas de marquer de son sceau la grande vague des changements de statut effectués par les étudiants étrangers en France. Tout étudiant étranger désirant se maintenir légalement sur le territoire français à l'issue de sa formation ou de ses études doit en effet nécessairement procéder à un changement de statut. Cette procédure concerne l'étranger qui réside en France sous couvert d'un titre de séjour autre que commerçant et qui souhaite exercer en France une activité commerciale, artisanale ou libérale. Il lui appartiendra dans ce cas de procéder à un changement de statut et de solliciter un titre de séjour commerçant auprès de la préfecture de son lieu de résidence. Cette procédure administrative de changement de statut peut notamment s'effectuer du statut d'étudiant «à vie privée et familiale» si l'étudiant a vocation à se maintenir en France pour une raison d'ordre familial – dans le cas où, par exemple, il contracterait mariage en France – ou encore d'«étudiant» à «salarié», dans l'hypothèse où le salarié, sous certaines conditions spécifiques, serait bénéficiaire d'une promesse d'embauche établie par un employeur établi sur le territoire français. Dans l'hypothèse où l'étudiant étranger souhaite exercer en France une activité commerciale, artisanale ou libérale, il lui appartiendra donc de solliciter un titre de séjour commerçant. Communément appelé «titre de séjour commerçant», ce document administratif de séjour porte en réalité, depuis la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France, l'appellation exacte de «titre de séjour entrepreneur/ profession libérale». Cette loi a modifié l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui prévoit désormais : – Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle, est délivrée au ressortissant étranger : – Pour l'exercice d'une activité non salariée, économiquement viable et dont il tire des moyens d'existence suffisants, dans le respect de la législation en vigueur, ce document administratif de séjour porte la mention «entrepreneur/profession libérale». – Ne sera en l'espèce passée en revue que la procédure relative aux étudiants étrangers résidant régulièrement sur le territoire français, le cas des commerçants étrangers résidant hors de France, faisant l'objet de règles et procédures exhaustives distinctes (il s'agit ici de l'étranger qui souhaite exercer en France une activité commerciale, artisanale, industrielle ou une profession libérale, mais qui réside à l'étranger et qui souhaite obtenir un titre de séjour commerçant) seront abordées ultérieurement dans le cadre d'un prochain article. En fonction de la situation et de la nationalité de l'étudiant, l'article 310-10-3° Ceseda énumère trois cas de figure : 1- Un régime classique de droit commun : c'est un régime juridique peu favorable, dans la mesure où il appartient à l'étudiant de justifier de la viabilité économique de son projet et de sa possibilité de se reverser une rémunération au moins égale au SMIC. 2 – Un régime pour les étudiants détenteurs d'une autorisation provisoire de séjour (APS) : c'est un régime juridique plus favorable, dans la mesure où il faut justifier que le projet a un caractère réel et sérieux et que ce projet s'inscrit dans un domaine correspondant à la formation de l'étudiant. L'étudiant recevra alors, selon le cas de figure, soit un titre de séjour portant la mention entrepreneur/profession libérale soit une carte de séjour «passeport talent». 3 – Enfin, le régime des ressortissants algériens, beaucoup plus favorable dans la mesure où ces derniers ne sont pas tenus de justifier de la viabilité de leur projet entrepreneurial ou qu'ils se reverseront des revenus au moins égaux au SMIC dans le cadre de leur activité pour obtenir un renouvellement de leur titre de séjour commerçant. La demande de changement de statut doit intervenir auprès des autorités préfectorales compétentes dans les deux mois précédant l'expiration du titre dont l'étranger a bénéficié. Il convient de veiller à ne pas dépasser ce délai de deux mois car la préfecture pourrait être amenée à traiter cette procédure comme une première demande. La condition d'obtention du diplôme peut être exigée par la préfecture, sans quoi elle peut rejeter la demande effectuée par l'étudiant, bien que celui-ci soit de plein droit pour les ressortissants algériens en vertu de l'accord bilatéral franco-algérien en date du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles. Un dossier de changement de statut étudiant à commerçant nécessite néanmoins une préparation solide afin d'éviter d'essuyer un refus qui, lorsqu'il arrive, est très généralement accompagné d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF). A cet effet, il convient d'attirer l'attention sur les procédures qui n'auraient pas correctement été menées par l'étudiant. Certaines préfectures refusent d'effectuer ce changement de statut d'«étudiant»vers «commerçant» sous couvert de divers arguments, souvent non fondés juridiquement, reposant notamment sur le détournement de l'objet du visa d'études en France, de diplômes non habilités sur le plan national, etc. Cette obligation de quitter le territoire français est la plupart du temps assortie d'un délai de départ volontaire de 30 jours. Cette obligation de quitter le territoire français peut être attaquée par l'étudiant, et ce, de différentes manières : – Soit par recours gracieux et/ou hiérarchique : dans ce cas, les chances de réformation de la décision préfectorale sont très minces et il est très rares que le préfet ou le ministre de l'Intérieur donne gain de cause au requérant, se contentant de rejeter la demande par un simple refus implicite. – Soit par un recours contentieux. L'étudiant a aussi ainsi la possibilité de saisir le tribunal administratif -ce qui est fortement recommandé en l'espèce- et donc d'utiliser la voie contentieuse par le biais d'une procédure en référé suspension couplée à une demande d'annulation sur le fond de la décision préfectorale de rejet de changement de statut et de refus de délivrance d'un titre de séjour commerçant. Au-delà du délai de 30 jours écoulés à date de remise en mains propres ou de réception de la décision par l'intéressé, aucun recours contentieux ne peut plus être effectué. Il est donc vivement recommandé à l'étudiant de former cumulativement les deux sortes de recours : gracieux et hiérarchique d'une part et, surtout, contentieux d'autre part. L'étudiant doit veiller strictement aux délais de recours, sous peine d'être frappé de forclusion et de ne plus pouvoir défendre sa cause et faire valoir ses prétentions devant un juge impartial, ce qui relève assurément de l'évidence et du bon sens. D'où l'importance pour l'étudiant de construire en amont son projet de manière logique, de constituer solidement son projet et d'observer in fine rigoureusement la procédure.
Par Samir Ouguergouz Juriste, fondateur de la plateforme juridique www.defendresesdroits.com