Décidément, c'est la série noire. Le monde de la musique vient encore une fois de subir une nouvelle épreuve, âpre. Djamel Allam vient de décéder seulement trois jours après la mort d'un autre artiste algérien, Rachid Taha. «Je viens de recevoir une triste nouvelle de la part de l'artiste Safy Boutella, que le grand artiste algérien, l'un des maîtres de la chanson kabyle : Djamel Allam est décédé, après une longue maladie, dans un hôpital parisien. Nos sincères condoléances à toute la famille…» twitera le ministre de la Culture, Azzedine Mihoubi, hier après-midi. Hommage fraternel de Safy Boutella Contacté par téléphone, Safy Boutella, effondré et très affecté par la disparition de son ami Djamel Allam, se souviendra : «Djamel et moi partagions des valeurs pour l'épanouissement, la promotion et l'encouragement des jeunes Algériens. Djamel Allam s'est battu contre un mal terrible. Il a combattu comme un lion. Il avait cette joie, cet espoir brillant, illuminant et irradiant son regard. Je suis fier de lui et triste. Comme dans cette étape de deuil, un ordre. J'ai été avec lui depuis un bon moment jusqu'à son dernier souffle et aussi avec ses enfants. Nous avions travaillé ensemble sur Djawhara. C'est quelque chose d'excellent. Parce que cela relevait de la fraternité et du patriotisme. C'est pour cela que c'était beau (sanglots).» Des cimes de Yemma Gouraya C'est l'un des piliers de la musique d'expression kabyle et celle nationale. Djamel Allam était un chanteur populaire. Des cimes de Yemma Gouraya, il avait pris son envol dans les airs de la chanson kabyle. Et ça a plané pour lui. Il avait vécu cet âge d'or où la beat kabyle faisait «swinguer» l'Algérie des années 1970. Ses pairs s'appellent Idir, Noureddine Chenoud, les Abranis… Djamel Allam, dès sa prime enfance savait ce qu'il allait faire de sa vie. Il fera ses premières classes sous les auspices et la bénédiction – la baraka – d'un grand maître de la musique chaâbi, Cheikh Sadek Bédjaoui. Il aura été à la bonne école. Le conservatoire de la ville de Béjaïa. Et puis volera vers d'autres cieux pour se former, se forger et éclore. A Marseille, puis montera à Paris. Il exercera à la radio France Inter sous la férule de Claude Villers qui, découvrant un jeune talent algérien plein de promesses avec surtout une ambition débordante, le recommandera à la maison de disques Escargots, un label ayant publié le poète et chanteur québéquois Gilles Vigneault et François Béranger. Sa chance scénique, ce sont Brigitte Fontaine et Arezki qui lui la donneront. Djamel Allam ouvrira leur spectacle, à Alger. C'était son baptème du feu. Cet air de «poème» En 1974, le premier album de Djamel Allam est intitué Argu (Rêve), produit par Gilles Bleiveis. Il sera salué par le public et les critiques musicaux. Djamel Allam était devenu célèbre avec Thella, Argu (Rêve) et M'ara d-yughal (Quand il reviendra), qui résonnaient partout à la radio et surtout sur le petit écran de la RTA (Radion télévision algérienne). Et puis ce look de bohème pour ne pas dire de «poème». Chevelure hirsute et barbe fournie. Les paroles de Thella disent : «Pour le vieux affamé et las D'un burnous couvert, par temps froid Pour le garçon malade, alité Orphelin, il l'ignorait Il y a une place dans mon cœur Pour l'homme ivre-mort rentrant Et, près de sa maison, tombant Pour le croyant, en cage, enfermé Qui voudrait voler, s'en aller Il y a une place dans mon cœur…» Djamel Allam a aussi écrit des musiques de films, comme Prends dix mille balles et casse-toi ou La plage des enfants perdus… Il a fait l'acteur dans le film de Djamila Amzal intitulé Le Tuteur de madame la ministre. Il nous laisse des chefs-d'œuvre, tels que Thella, Argu (Rêve), M'ara d-yughal ou encore Ouretsrou «ne pleure pas». En guise de consolation et d'espoir. C'est cela la grandeur d'un «Monsieur»comme Djamel Allam. Chapeau bas, l'artiste.