Il s'agit de figures qui ont non seulement marqué le mouvement national et la guerre de Libération, mais aussi de personnes qui sont parties sans faire leurs adieux : Mostafa Benboulaïd, Larbi Ben M'hidi, Abane Ramdane, Amirouche, Abbes Laghrour et Mohamed Boudiaf. L'auteur de ces sculptures sublimes, qui ne dira mot au sujet de ce choix, préfère laisser libre cours à l'interprétation du visiteur. En tant que neveu de l'un d'eux (Abbes Laghrour), il est d'avis que l'Algérie n'a pas encore fait son deuil sur la perte de ces personnalités empêchées d'accomplir la mission dont ils étaient chargés. Tous morts, tués ou vendus par leurs pairs. Ce sont des bustes accomplis avec une justesse irréprochable et coulés dans le bronze, une matière qui dure et qui survit au temps, nous dira l'artiste Boubekeur Laghrour, puisqu'il s'agit de lui ! L'artiste est natif de Khenchela. Il a bénéficié d'une bourse d'études aux Etats-Unis au début des années 1980. New York, la ville qui le reçut lui donne l'occasion inespérée de se réaliser dans le domaine artistique auquel il semble être destiné : «J'ai de tout le temps été sanctionné par mes professeurs d'école, qui me surprenaient en flagrant délit de dessin. La sanction dont je me souviens le plus m'avait coûté une semaine de privation des cours», se désole-t-il ! Une vocation refoulée par tant d'incompréhensions et d'indulgences de la société vis-à-vis de tout ce qui est artistique ! Le Nouveau Monde ressuscitera son amour de l'art et sans hésiter il optera pour une inscription à la Stevenson Academy of Fine Art de New York. Il y vécut 20 ans avant de s'installer en Belgique, pays qui recèle des fonderies d'art. «L'exposition est choisie spécialement pour Batna, capitale des Aures», nous a-t-il avoué. Les six personnalités qu'il a réunies semblent chuchoter les unes aux autres des interrogations d'actualités : où va l'Algérie ? En marge, Djamila Bouhired, Kateb Yacine et Mouloud Maameri sont les autres personnages présents comme témoins à cette réunion. Un travail presque parfait, diront les artistes présents au vernissage qui, à l'occasion, nous ont exprimé leur profond regret quant à l'inexistence d'une galerie d'art dans la ville de Batna. L'occasion pour évoquer un projet de réalisation d'une structure destinée aux artistes détournée à la dernière minute au profit d'une stèle qui, aujourd'hui, est transformée par la bénédiction de l'Assemblée populaire communale de Batna en un fonds de commerce. L'exposition qui, par manque de communication, n'a pas encore eu l'écho qu'elle mérite, vaut le détour. Elle se poursuit jusqu'à la fin du mois.