Le régime saoudien, que les Etats-Unis protègent et couvent comme la prunelle de leurs yeux, au même titre qu'Israël d'ailleurs, se trouve dans de beaux draps. Il vient de commettre l'erreur qu'il ne fallait pas faire. Il vient de faire disparaître à Istanbul un journaliste opposant saoudien, Jamal Khashoggi, qui pour son malheur vit aux Etats-Unis et travaille pour le Washington Post. Ce sont des erreurs qui ne pardonnent pas. Pour rappel, Khashoggi avait pris rendez-vous au consulat saoudien à Istanbul pour retirer des documents administratifs. Il se présente comme convenu aux services consulaires. Sa fiancée turque l'attend dehors. Le gouvernement d'Ankara affirme qu'il n'en est plus ressorti, ce que dément Riyad par le biais de son agence de presse officielle. Mais les preuves accablantes commencent à faire surface. La presse turque enfonce le clou en diffusant des vidéos de surveillance qui montrent que le journaliste est bien entré dans le consulat et aucune image ne le montre en sortir. La même presse ajoute que ce jour-là, 15 Saoudiens ont débarqué par avion spécial à Istanbul. On voit certains d'entre eux pénétrer dans le consulat. Ce groupe était-il chargé de faire la sale besogne ? On raconte que Khashoggi a été tué dans l'enceinte même du consulat, et ce, après d'horribles sévices. Les barbouzes ont quitté le jour-même l'ancienne Constantinople. Les pays occidentaux s'émeuvent de cette disparition et les Arabes, comme on pouvait s'y attendre, adoptent la politique des trois singes. Mais Ankara ne veut pas rater une si belle occasion qui lui permet de régler ses comptes avec la famille wahhabite. Une délégation saoudienne était attendue hier en Turquie pour tenter d'étouffer le scandale. Va-t-elle sortir le portefeuille pour corrompre le gouvernement turc ? C'est la seule manière que connaissent les Saoudiens pour régler leurs problèmes. Mais dans ce cas précis, il va falloir qu'ils payent gros. Et encore rien ne dit qu'ils réussiront à calmer le jeu, d'autant que l'affaire a pris une dimension internationale. Une chose est sûre, l'assassinat de Khashoggi, si assassinat il y a, révèle le visage hideux d'un pays parmi les plus fermés au monde et qui bénéficie de la complaisance des Occidentaux parce qu'il a des pétro-dollars à offrir en échange de leur silence. Il a même fait pour eux la sale besogne pour déstabiliser la planète. Mohammed Ben Salmane, l'actuel maître incontesté de l'Arabie Saoudite et prince héritier, n'a-t-il pas révélé que son pays a répandu le wahhabisme à travers le monde à la demande de ces mêmes Occidentaux. De toute évidence, les langues commencent à se délier. C'est ainsi que Reporters sans frontières nous apprend qu'au moins 15 journalistes saoudiens ont été arrêtés ou portés disparus depuis septembre 2017. Grâce à l'affaire Khashoggi, l'omerta a été brisée, au point que la presse turque a publié les photos, les noms et les dates de naissance des 15 individus qui ont participé à cette nouvelle affaire Ben Barka, version saoudienne. Depuis que MBS s'est arrogé les pleins pouvoirs après avoir éliminé tous les autres princes, l'Arabie Saoudite s'est engagée dans une voie dangereuse. Pour consolider sa mainmise sur le pays et s'assurer des protections extérieures solides, ce jeune ministre a noué des relations stratégiques avec Israël, au point qu'il s'est mis à comploter avec le sionisme contre la cause palestinienne. En outre, il a aggravé le pourrissement des rapports de son pays avec le Qatar, le Yémen et l'Iran, une politique qui est nettement au-dessus des moyens de l'Arabie Saoudite et qui la dépasse totalement. Est-ce le début de la fin pour les wahhabites et leur avatar les Al Saoud ? En tout cas, personne ne les pleurera.