Je me demande ce que j'avais fait durant ces vingt-cinq dernières années. J'ai grandi, j'ai pleuré, j'ai appris, j'ai aimé et j'ai donné la vie, mais j'ai surtout profité de chaque moment, de chaque instant, je ne pouvais pas faire autrement puisque c'est l'héritage que tu nous as légué : croquer la vie à pleines dents. Mais tout cela n'aurait pas pu être possible sans le courage, les innombrables sacrifices et la dévotion de notre maman, elle dit que chaque personne sur cette terre a une mission et la sienne, c'était nous, ses trois filles. Alors, elle a tout fait, tout tenté, tout sacrifié pour notre éducation, nos études, notre bien-être et notre sourire, elle n'a rien laissé au hasard et jusqu'à aujourd'hui encore, elle nous protège, nous accompagne, nous conseille sans jamais être fatiguée, et lorsqu'on lui demande de lâcher prise, de se reposer, de ralentir, elle répond : «Après l'assassinat de votre père, il est apparu dans mon rêve, me donnant trois belles roses, me demandant d'en prendre soin, tout est dit.» Aujourd'hui, nous sommes des femmes, des femmes qui entreprennent leur vie chacune à sa manière. Farah continue de croire et à concrétiser les projets qui la passionnent, journaliste et réalisatrice, caméra toujours au poing, elle veut continuer à voir grand. Salima, quant à elle, dénonce et combat à travers son art, la misogynie, l'ignorance et l'intégrisme. Me concernant, l'écriture et le Sahara restent tout deux mes plateformes d'expression et d'évasion. Quant à tes petits-enfants, ils me posent souvent des questions sur toi, mais j'avoue que… je perds mes mots, je n'arrive pas à parler de ce fameux 14 octobre. A travers eux, j'ai compris que je n'ai toujours pas fait le deuil, je ne peux pas faire le deuil alors j'ai encore besoin d'écrire. Tu nous manques, tu me manques. Très souvent je t'imagine franchissant ma porte avec ton sourire m'appelant : Naboula ! Allah yerahmek. Je t'aime.