RESUME : Malek revint au bled pour soutenir Louisa dans sa peine. Il lui annonce que Sophie, sa femme, était condamnée, et n'en avait plus pour longtemps, et que son ancienne logeuse Mme Olivier s'était éteinte. Louisa est terrassée par le chagrin. Elle tente de remettre de l'ordre dans sa vie en mariant ses neveux. Je décidais alors de marier mes deux neveux... Belaïd avait déjà fait son choix. Je n'eus alors qu'à aller demander la main de la jeune fille qui se trouvait être une nièce à Tassadite... Eh oui... Les mariages de famille étaient légion chez nous... Par contre, Idir comptait sur moi pour lier son destin. Pour effacer toute trace de chagrin, je donne une grande fête. Les deux mariages eurent lieu en même temps... La cérémonie était grandiose. Je demande aux villageois de danser et de s'amuser jusqu'à l'aube... J'avais largement les moyens de faire des folies, et je ne m'en privais point... Je voulais ce qu'il y avait de mieux pour mes deux neveux, qui étaient aussi un peu mes enfants. Pour la circonstance, j'étais descendue en ville. En compagnie de Lounès, j'avais fait tous les grands magasins qu'on m'avait indiqués pour faire mes courses et préparer les deux mariages. Mes invités devraient avoir tout ce qu'il y avait de mieux à manger et à boire. Des jours durant, la musique et les chants firent vibrer les murs de ma maison. Je ne savais pas s'il fallait rire ou pleurer... En fait, je riais et je pleurais en même temps... Il y avait comme un amalgame de joie et de tristesse en moi. Mes émotions rebondissaient... Je ne pouvais me dominer. J'étais tout de même heureuse de voir que la maison se remplissait de nouveau et que la venue des deux jeunes mariées augurait d'un avenir meilleur... Mes neveux auront des enfants... Je vais de nouveau pouvoir pouponner... Je vais de nouveau entendre des rires frais dans la maison... La joie finira par effacer la tristesse et le chagrin du passé... La vie continue son cours, et nous devrons nous plier devant ses caprices... Que Dieu nous préserve des malheurs de l'existence..., me surpris-je à prier à maintes reprises dans la journée. Les lampions de la fête s'éteignirent et chacun rentre chez lui. Je redevenais enfin moi-même... Moi Louisa la rousse... Louisa la voyante du village qu'on vient voir de très loin... De plus en plus loin... Maintenant que mes deux neveux sont mariés, je pouvais souffler... Je pouvais me consacrer aux autres, en attendant que Lounès termine ses études. Cinq années passent. Belaïd était père de trois enfants, et Idir en avait deux... La maison à nouveau retentissait de leurs jeux et de leurs rires... De quoi mettre un baume sur les cœurs meurtris... Malek était revenu deux fois au bled. Une fois avec ses enfants, et une autre fois seul. Sa progéniture aussi prenait de l'âge... Belkacem-Sébastien venait de faire de lui un grand père... Oui, Malek avait une petite-fille qu'on avait prénommée Sophie-Meriem et un petit-fils qui s'appelait Kamel-Martin... à l'instar de ses parents, Malek avait tenu à ce que ses petits-enfants aient aussi deux prénoms. Un français et un autre algérien. Saléha-Danielle faisait des études en architecture, et devait partir aux états-Unis, tandis que Ali-Alain était en fin de cycle universitaire. Malek pouvait s'estimer heureux d'avoir des enfants aussi sérieux et avisés... Sophie s'était sacrifiée pour les élever dans les normes des deux traditions parentales... Et le résultat était là ! Non seulement les enfants de mon beau-frère étaient bien éduqués et avaient fait de très bonnes études, mais ils étaient aussi respectueux de tout ce qui touchait à leur famille... Ils écrivaient souvent pour demander de nos nouvelles, nous envoyaient des cadeaux, demandaient si leurs biens étaient toujours prospères, et tentaient de parler la langue de leurs ancêtres, bien que cela ne s'avéra pas une tâche facile pour eux. Malek voulait surtout que ses enfants sachent qu'ils étaient les seuls maintenant à qui il devrait passer le flambeau... Il n'avait plus personne au bled, hormis moi, sa belle-sœur. Un jour, il m'entretint longuement. Il craignait que ses biens ne soient dilapidés à sa mort, si ses enfants ne venaient pas au bled régulièrement. Je lui suggérais alors de se remarier et d'avoir d'autres enfants. Il se met à rire : - Moi... Me marier... ? Moi un vieil homme... ! Je lui répondis qu'il n'était pas aussi vieux que ça... Et que rien n'était impossible tant qu'il avait sa santé. Un voile de tristesse passe alors sur son visage... Il ne pouvait oublier Sophie ni la remplacer par une autre femme... Je le comprenais fort bien, moi qui avait refusé bien des prétendants après Kamel. Je pousse un soupir : - Alors ne te plains plus Malek... Remets ton destin entre les mains de Dieu... Tes enfants sont assez intelligents pour comprendre qu'ils sont les seuls héritiers, et qu'ils ne doivent jamais abandonner les biens légués par leurs ancêtres. - Je sais ma chère belle-sœur... Mais tu connais l'Europe... Mes enfants sont occupés par leurs études et leurs recherches... Belkacem est déjà père de famille... Je ne sais pas si un jour il pensera encore à venir passer des vacances au bled. Je souris : - Tu as semé une bonne graine Malek... Elle donnera sûrement de bonnes récoltes. Il ébauche un sourire : - Je l'espère bien... Je suis certain en tous les cas qu'après ma mort tu veilleras sur eux. Je fronce les sourcils : - Pourquoi parles-tu de la mort Malek ? Tu es encore assez jeune et en bonne santé. Il hausse les épaules : - La vie réserve beaucoup de surprises... Je veux juste avoir ton avis là-dessus. - Tu peux compter sur moi à tout moment et en toutes circonstances... Si bien sûr le bon Dieu m'accorde une longue vie. Peut-être que ce sera moi qui vais mourir avant. (À suivre) Y. H.